lundi 8 mars 2010

Interview : Keita Egusa (Pia-com)

Depuis qu'il a croisé le chemin de Nobuo Uematsu et Hiroki Ogawa, le pianiste Keita Egusa est devenu un collaborateur régulier du label Dog Ear Records. Suite à la sortie son LP KALAYCILAR en 2008, Egusa s'est lancé dans le projet Pia-com, un album de reprises au piano de musiques tirées de jeux sortis lors des années 80. Parmi eux, Mappy, Salamander, Mother ou encore Final Fantasy II. Dans cette interview, il explique comment cet album est né, et revient sur son apparition lors du concert japonais Press Start, l'année dernière.

Keita Egusa

[Interview réalisée par Jeriaska. Traduction française : Jérémie Kermarrec. Images : Dog Ear Records. L'album Pia-com est disponible ici.]

Merci de nous rejoindre pour cette interview, M. Egusa. Dog Ear Records a publié votre album solo KALAYCILAR. Quel rôle a joué M. Ogawa dans cette sortie ?

Il y a deux réponses à cette question : une courte et une longue. Laissez-moi vous donner la longue. La plupart des idées qui ont mené à la piste principale de KALAYCILAR étaient dans ma tête depuis que j'ai découvert les Mikrokosmos de Béla Bartók, quand j'étais à l'université. A l'époque, je pensais même que ça ferait de la très bonne musique de jeu. J'ai commencé à me renseigner sur les chansons folkloriques de Hongrie, où est né Bartók, pour mieux comprendre leurs motifs. Je m'étais dit qu'un jour, j'aimerais essayer d'en arranger une avec mon propre style.

En 2000, j'ai rejoint un groupe qui interprétait de la musique turque et arabe. J'y ai découvert une chanson folklorique turque nommée KALAYCILAR. Nous jouions ces musiques dans le plus pur style turc, mais quand je me suis souvenu de l'impression que m'avaient laissé les Mikrokosmos de Bartók, j'ai commencé à en écrire un arrangement pour le groupe. Un arrangement qui serait un rappel de mes souvenirs de lycée. Voilà comment est née l'idée de l'album KALAYCILAR.

Nous avons joué cette chanson turque à plusieurs occasions, par exemple à des mariages. J'ai pu la jouer lors du mariage de M. Ogawa lui-même, et il l'a vraiment adorée. M. Uematsu a pu écouter l'enregistrement, et c'est comme cela qu'ils ont décidé de la publier avec le label Dog Ear Records.

Lorsque nous avons commencé à travailler sur l'album, nous avons convenu qu'il fallait deux autres pistes. J'ai donc arrangé une chanson folklorique marocaine, "Aisha", que M. Ogawa a encore une fois adoré. En plus de celle-ci et après de nombreuses recherches, j'ai décidé d'ajouter quelque chose de plus populaire, à savoir un arrangement de "Simoon" du Yellow Magic Orchestra. L'enregistrement s'est très bien passé, avec très peu de difficultés.


Vous avez joué du piano lors du dernier concert Press Start: Symphony of Games. Quelle impression gardez-vous d'avoir travaillé sur des musiques de jeux vidéo connues avec le Tokyo City Philharmonic Orchestra ?

C'était une expérience vraiment excitante. Les talents de nombreux arrangeurs rivalisaient les uns les autres sous les yeux du public. Le matériau d'origine avait un vrai sens pour ceux qui étaient des joueurs. Le choix des pistes et leur présentation ne pouvait pas être plus au service des fans, vous savez.

Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'entendre des musiques de jeux électroniques lors d'un concert est une idée bizarre, surtout quand il y a un orchestre au grand complet. C'était vraiment amusant. Pour moi, ce type d'événement n'est pas seulement intéressant pour les gens familiers avec la culture des jeux vidéo, mais aussi pour ceux qui se pensent en dehors. Peu importe où on se situe, cela reste un concert extrêmement plaisant.

Lors d'une précédente interview, nous avons appris que votre père a participé à l'interprétation d'Anata wo Yurusanai sur PSP. Vous pouvez donc vous retrouver autour du jeu vidéo et y trouver du plaisir ?

Mon père a 70 ans, alors il appartient à une génération qui n'a pas connu les joies du jeu vidéo. Quand j'étais enfant, on jouait ensemble à des jeux de plateau : shôgi, Othello, flipper... C'est certes une vision bien plus générale du "jeu", mais s'il y a bien quelqu'un qui m'a appris à les apprécier, c'est mon père.

Pia-com est un album de reprises au piano de thèmes venant d'un certain nombre de vieux jeux. Quand vous étiez jeune, est-ce que vous faisiez déjà des arrangements au piano de ce style ?

Bien sûr ! Space Invaders faisait un tabac à l'époque où j'étais à l'école maternelle. En cours de musique, je profitais de la pause pour me glisser derrière le synthétiseur et jouer des musiques du jeu. Il y avait mes camarades qui m'écoutaient, c'était vraiment amusant. Je me suis rendu compte que jouer de la musique pour les autres était une vraie source de bonheur. Et c'est pour cela que je suis là aujourd'hui.


Comment avez-vous choisi les morceaux de Pia-com I ?

J'ai déjà eu la chance de jouer le thème de Mappy en public plusieurs fois auparavant. Quand nous avons commencé à réfléchir au concept de l'album chez Dog Ear Records, j'avais enregistré une version démo de cette piste, parmi quelques autres. Dès qu'ils l'ont entendu, ils ont dit : "C'est ça !". A vrai dire, j'avais déjà pensé à utiliser "Snowman" sur l'album KALAYCILAR, mais c'est parce que M. Ogawa m'avait demandé d'écouter la piste "Eight Melodies" de Mother.

Lors du concert Press Start, vous avez joué "Zanarkand", le thème d'ouverture de Final Fantasy X composé par Nobuo Uematsu. Vous avez aussi arrangé une piste de Final Fantasy II pour Pia-com. Quelle a été votre expérience en travaillant avec lui ?

Dès que je commence à jouer une musique de Uematsu, je ressens une sensation étrange, celle de pouvoir ressentir son univers. J'ai aussi pu jouer lors du concert Distant Worlds, et cela m'a permis de me familiariser avec un certain nombre de ses thèmes. Je n'avais pas arrangé moi-même la version de "Zanarkand" jouée à Press Start, mais il y a un très long solo de piano au début. Jouer tout seul du piano devant une salle remplie à craquer est certes une expérience angoissante, mais j'étais très heureux quand j'ai vu que le public avait apprécié mon interprétation.

Interview : Dog Ear Records

2009 a été une année bien remplie pour le label Dog Ear Records de Nobuo Uematsu, et 2010 semble bien partie pour confirmer la tendance avec, notamment, l'arrivée tant attendue de la bande originale de Final Fantasy XIV. Dans cette interview, le directeur du label Hiroki "wappa" Ogawa revient sur les sorties de l'année passée et apporte quelques détails sur les nouveautés, dont l'album solo 10 Short Stories célébrant les 50 ans de Nobuo Uematsu, et qui sort cette semaine au Japon. Ogawa livre à cette occasion quelques anecdotes sur la naissance du projet. Et avec des sous-titres en français, s'il vous plaît.


Un grand merci à Jeriaska pour ces interviews toujours riches en informations. N'oubliez pas aussi d'aller lire l'interview de Keita Egusa, l'un des artistes produits par Dog Ear.