samedi 28 février 2009

Questionnaire de Denys : Noriyuki Iwadare

Profitant d'un voyage d'étude d'une année au Japon, un étudiant français en musique a demandé à des compositeurs japonais mais aussi français de répondre à un même questionnaire. Après les réponses de Yasunori Mitsuda, voici celles de Noriyuki Iwadare, musicien reconnu notamment pour son travail remarquable sur la série Grandia, mais aussi pour des séries moins connues telles que Lunar et Langrisser. Plus récemment, il a activement participé aux musiques de Phoenix Wright et de ses suites.

Comment voyez-vous l'avenir de la musique de jeu vidéo ?

Le cinéma a enfin été reconnu comme patrimoine culturel environ 100 ans après sa naissance. Je pense qu'il en sera de même en ce qui concerne les jeux dans, disons 80 ans.

La musique de jeux a bien souvent évolué au gré des contraintes techniques, et s'est « formée » sur le tas, à travers les essais et les erreurs des compositeurs. On y trouve aussi bien des morceaux techniques utilisant par exemple les synthèses PSG et FM, que des morceaux élaborés avec une orchestration magistrale. Je pense que le point commun entre tous ces types de morceaux, c'est le concept de « boucle » musicale.

Les morceaux actuels se contentent d'être joués en boucle, mais dans l'avenir, il ne fait aucun doute qu'on passera d'une musique répétitive attribuée à chaque lieu (ou niveau), à une musique réceptive à l'environnement, qui se modifiera en conséquence.

Comment voyez-vous l'avenir du métier de compositeur de musique de jeu ?

La situation actuelle est malheureusement difficile car les droits d'auteurs sur les morceaux sont définis par le facteur « temps d'écoute ». En effet, la durée d'écoute des morceaux est complètement dépendante du joueur, donc on ne pas dire que les auteurs touchent ce qu'ils devraient à l'heure actuelle. Tant que ce problème ne sera pas résolu, l'avenir des compositeurs de jeux reste incertain.

Quelle est, d'après vous, la part de composition pure dans l'emploi du temps d'un compositeur de musique de jeu ?

Pour moi, composer, c'est une réflexion tout au long de la journée et je pense qu'il en est sans doute de même pour la plupart des gens qui composent. Dans les faits, je compose beaucoup de nuit.

Le temps est-il d'ailleurs votre principal ennemi ?

C'est vrai qu'il est toujours bon d'avoir beaucoup de temps devant soi, mais avec des délais imposés, il est plus simple pour moi d'organiser mes repères et ainsi achever quelque chose. Il faut consacrer du temps pour l'élaboration de morceaux d'images (et il arrive souvent de ne pas pouvoir le faire), en dehors de cela, je ne considère pas la limite de temps comme un problème.

En général, vos premières esquisses sur un morceau sont plutôt harmoniques, mélodiques ?

Vous voulez certainement parler de l'ordre dans lequel je crée les accords et la mélodie. Je compose en principe à partir d'une mélodie, il arrive cependant que cela ne soit pas le cas. Un fois celle-ci composée, je décide des accords, et une fois la structure générale du morceau déterminée, j'en termine l'arrangement.

On voit assez rarement les compositeurs être impliqués dans des jeux de rythme/musique. Les interfaces tactiles (Tenori-on, pads Korg, etc.) étant de plus en plus courantes en MAO, aimeriez-vous créer un projet utilisant par exemples les fonctionnalités de la Wii, DS ?

Ce n'est pas prévu, malheureusement.

Lorsque vous avez le choix, préférez-vous la flexibilité des instruments virtuels et du MIDI ou bien le naturel de vrais instruments enregistrés ?

Chacun a ses avantages et ses limites. J'aime bien les deux et les utilise en fonction des besoins.

Quels sont les morceaux les plus difficiles à composer ?

Je pense que tout nouveau morceau, quelle que soit sa catégorie est difficile à imaginer et à créer. Chaque morceau étant unique, chaque fois que je compose un nouveau morceau je trouve cela difficile !

Que deviennent vos morceaux non retenus pour un jeu ?

Je les garde. J'ai déjà un immense stock de morceaux et s'il est vrai qu'il m'arrive de temps en temps de les utiliser pour d'autres jeux, cela reste rare car j'imagine les morceaux en fonction de chaque environnement spécifique au projet.

Votre sentiment sur :

L'édition des disques de musique de jeu : Vous voulez sans doute parler des soundtracks. Je pense que c'est une bonne chose car elles permettent aux joueurs d'écouter les morceaux qui passent inaperçus pendant le jeu. C'est aussi un plaisir pour les compositeurs que de garder ses créations sous une forme concrète.

Les concerts de musique de jeu : J'ai eu récemment la chance de participer à un concert orchestral de jeux (Tokyo Philarmonic) et un concert de Gyakuten Saiban. Je souhaite vraiment qu'il y ait de plus en plus de concerts de ce type, orchestraux ou non.

Les albums arrangés : Je suis toujours plus à l'aise avec les musiques originales, mais les albums arrangés sont aussi intéressants, je pense qu'il faut qu'il y en ait de plus en plus. Chaque fois que je termine un morceau, je me dis que j'ai réalisé une musique parfaite ! Mais avec le recul, je trouve toujours des points qui auraient pu être améliorés. J'espère donc arriver à réaliser des musiques parfaites, c'est-à-dire des morceaux qui sont convaincants à mes yeux.

Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire deux mots de vos projets récents ou à venir ?

Un album nommé « Message » est sorti le 24 décembre 2008. Il s'agit d'un projet passionnant de collaboration entre des compositeurs de jeux vidéos et des chanteuses d'Animé. Je vous invite à écouter les extraits à cette adresse. Je participe aussi à un projet de simulation amoureuse prévu l'année prochaine sur PS2 « Academy », à un jeu DS « Gyakuten Kenji » et à d'autres projets dont je ne peux malheureusement pas parler à l'heure actuelle. Vous pouvez consulter les sites web pour plus de détails.

Selon vous, quelle place occupe le jazz dans la musique de jeu vidéo ?

Beaucoup d'artistes introduisent déjà des éléments de Jazz dans leur créations, et, la musique de jeux étant véritablement ouverte à tous les genres, je pense que cela ne pose aucun problème du moment que ça colle à l'ambiance du jeu. J'étudie le Jazz moi-même petit à petit.

Un mot pour la fin ?

Merci beaucoup pour ces moments de réflexion agréable. Continuons nos efforts pour faire connaître davantage la musique de jeux à travers le monde ! Merci !

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Décembre 2008.
Questions de Denys Fontanarosa. Merci beaucoup à monsieur Iwadare d'avoir accepté de répondre à ce questionnaire et à Kahori Ezaki de le lui avoir transmis. Encore une fois merci à Jonathan Khersis pour son excellente traduction !

dimanche 22 février 2009

Quand Takeharu Ishimoto s'ennuie (2)

Je vous parlais il y a quelques semaines des passe-temps musicaux de Takeharu Ishimoto. Il se trouve qu'il y a maintenant un mois, tout ceci s'est "matérialisé" sous la forme d'une sortie iTunes de la chanteuse SAWA, qui interprète toutes les chansons en solo d'Ishimoto. 333, ou Three Three Three, est le nom de cet album, qui regroupe les pistes disponibles sur le MySpace du compositeur, mais aussi celui de la chanteuse. Petite déception tout de même, "Please don't leave me" et la jolie version unplugged de "Stay Away" n'y trouvent pas place. Enfin bon, il reste "Nowhere" (toujours aussi démente) et une poignée de titres inédits de qualité, comme la très douce "One Thing". Pour un peu moins de 8 euros, ça vaut franchement le coup. En tout cas si vous aimez Ishimoto, qui a composé toutes les pistes (et qui joue de la guitare). Quiconque a aimé The World Ends with You devrait s'y sentir en terrain connu.

mercredi 18 février 2009

Interview avec Vincent Diamante

Flower est le nouveau projet de thatgamecompany, une équipe de designers qui s'est constituée alors qu'ils étaient encore étudiants en médias interactifs à l'University of South California. Ce titre, disponible en téléchargement sur le PlayStation Network, propose au joueur de s'envoler dans le ciel pour se laisser porter par le vent et faire éclore des fleurs. Les contrôles sont d'une simplicité déconcertantes : il suffit d'incliner la manette Sixaxis de la PS3 pour changer de direction, et d'appuyer sur un bouton pour accélérer. La musique joue un rôle central dans le jeu, et c'est Vincent Diamante qui l'a composée. Ce diplômé de l'USC a réussi à écrire une bande son aussi douce que pénétrante, et ce en superposant des couches d'instruments qui évoluent selon les mouvements du joueur dans les niveaux. Steve Johnson, du studio Sony de Santa Monica, l'a accompagné dans son travail en dirigeant la partie sonore du titre. Dans cette interview, Diamante raconte son expérience sur ce jeu aussi unique que formidable.

Interview réalisée par Jeriaska. Le texte original est disponible en anglais sur GameSetWatch, également traduit en russe sur Game-OST.ru et en italien sur Gamesource.it.


Quand avez-vous rencontré pour la première fois Jenova Chen, le co-fondateur de thatgamecompany ?

Jenova était artiste sur un projet de l'University of South California auquel j'avais collaboré auparavant, Dyadin. C'était un jeu d'action réalisé par une équipe différente, et basé sur le jeu multijoueur en réseau. D'ailleurs, il a été présenté à l'Independent Games Festival un an avant Cloud. C'était un projet collaboratif, alors il ne portait pas vraiment la marque d'un designer en particulier, contrairement à Cloud.

Comment décririez-vous la vision qu'avait Jenova de Cloud ?

Cloud et Flower sont très proches en ce sens qu'ils tiennent vraiment à cœur à Jenova. Il demandait à l'équipe de se souvenir de ces moments où l'on s'allonge dans l'herbe pour regarder le ciel. Cela me rappelait quand j'étais enfant, et que je trouvais les nuages vraiment chouettes. Dans Flower, on peut voler au-dessus des vallées, ou dans les canyons. C'est un rêve que j'avais aussi quand j'étais enfant, celui de pouvoir voler.

Dans Flower, les instruments rappellent les éléments naturels, comme par exemple quand le vent fait sonner des carillons. Comment avez-vous procédé pour donner un aspect si distinctif à ces instruments ?

Je voulais que les instruments soient indépendants les uns des autres, et ce même lors du troisième niveau, où il y a un effort d'orchestration de la part de chacun d'eux. J'ai passé beaucoup de temps à écouter chaque piste pour m'assurer que chaque morceau soit agréable quand il est isolé. Si ce n'était pas le cas, alors il ne me restait plus qu'à revoir ma copie.

J'ai aussi passé beaucoup de temps à examiner le level design dans Maya pour comprendre comment chaque élément était organisé. C'est en sachant comment fonctionnaient chacune des parties du système de jeu que j'ai pu réaliser une bande son adaptée.


Vous avez déjà dit que votre intérêt du jeu vidéo remonte à l'époque du Commodore 64. Flower n'a rien à voir avec l'aspect synthétique de la musique de jeu vidéo traditionnelle, au profit d'un son plus acoustique, plus organique. Vous appréciez autant ces deux types de son ?

Absolument. J'ai commencé avec des mods sur Amiga, puis j'ai eu un PC avec une carte Sound Blaster pour pouvoir utiliser S3Ms. J'aime vraiment repousser les limites offertes par chaque format. Je considère le Commodore 64 comme un instrument, à la manière d'un piano ou d'un violon. Il dispose de ses propres sons, de son propre langage.

Quand avez-vous commencé à travailler sur Cloud ?

Beaucoup de ceux ayant travaillé sur Cloud en 2005 étaient en train de faire leur Master de Beaux Arts en médias interactifs à l'University of South California. Nous étions 25. De ce fait, il y avait un grand climat de confiance entre nous tous. Jenova Chen devait obtenir son diplôme une année avant moi. Au départ, le game design de Cloud était très flou, et la musique était l'un des premiers éléments à être complètement achevé.

Quels logiciels avez-vous utilisé pour la musique ?

Principalement Cakewalk Sonar et Miroslav Mini. C'était l'année où Synful est sorti, et j'étais vraiment très impatient. D'un point de vue technique, j'étais beaucoup plus intéressé par un synthétiseur que par une grande banque de sons. Vous pouvez télécharger la bande originale de Cloud gratuitement. Pour Flower, j'ai utilisé Sonar encore une fois, une version améliorée des sons Miroslav, et une version plus récente de Synful pour l'orchestre de base.

En tant que joueur, y a-t-il des éléments de Flower qui vous plaisent particulièrement ?

Tout le monde dit que Flower n'est pas un jeu, mais une expérience... Pourtant, il propose beaucoup de bonnes idées de jeu. Des choses simples, par exemple le fait d'utiliser le vent pour indiquer les objectif. C'est tellement plus élégant que le balisage qu'on trouve dans les jeux d'aventure, actuellement.

Du point du vue du musicien, quelle influence a eu le choix de mettre la manette Sixaxis au cœur du système de jeu ?

Le choix de la Sixaxis pour les déplacements était là depuis le début. Le fait de pouvoir incliner la manette pour voler a évidemment grandement influencé la musique. C'est un mode de contrôle vraiment doux, on peut même avoir l'impression de se laisser porter par l'air. Cette impression a vraiment influencé la façon dont j'ai utilisé les instruments à vent.


L'élément de base de la bande son est cet instrument unique que l'on entend car on fait éclore une feuille. Avez-vous associé une fleur à un son précis ?

Oui. Dans le troisième niveau, les fleurs roses produisent un bruit de chorale, tandis que les fleurs blanches ont un son de carillon. Les instruments sont liés à une couleur précise dans le niveau, à savoir ceux qui sont présents dans la librairie sonore que j'ai utilisé pour les musiques. J'ai pu y ajouter divers traitements supplémentaires avant qu'ils ne deviennent des sons de fleurs, mais la base était toujours un instrument de musique, tel qu'il se trouvait dans mon séquenceur.

Quand on traverse rapidement un passage où il y a une multitude de fleurs, on entend un enchaînement des instruments, qui interagit avec la musique de fond. Avez-vous pu choisir l'emplacement des fleurs, afin de vous assurer que cette interaction soit harmonieuse ?

J'ai vraiment eu mon mot à dire. Je pouvais demander aux artistes de rapprocher ou d'éloigner les fleurs quand il y en avait une série, ou bien de remplacer les fleurs rouges par des blanches pour obtenir un meilleur son.

Y avait-il des spécifications précises pour les instruments à utiliser dans la musique de fond ?

Je n'ai pas utilisé d'instruments aigus, comme le piccolo. Si j'avais besoin de faire de l'aigu, je choisissais des instruments plus graves, comme la flûte basse et le basson.

Ces spécifications ont-elles changé dans les derniers niveaux du jeu, quand par exemple on passe de niveaux de jour à ceux de nuit ?

Dans le premier niveau, il y a une guitare, un piano et des cordes. C'est une instrumentation plutôt facile. Les responsables du level design savaient d'une certaine manière ce qu'il fallait faire. Musicalement parlant, la complexité augmente quand on passe du premier au troisième niveau. Le quatrième niveau revient à un schéma simple, comme le premier. Je l'imaginais comme une sorte de redémarrage. Il n'y a que de la guitare, du piano, des cordes et de la clarinette. L'intensité recommence ensuite à monter, jusqu'au sixième niveau.

Le sixième niveau vous a demandé plus de travail ?

Plutôt, oui. Je voulais que l'aspect interactif et la construction de chaque couche sonore fonctionnent de la même manière que dans les niveaux précédents, mais l'instrumentation était beaucoup plus complexe. J'ai énormément réfléchi à quels instruments mettre ensemble. Comme j'utilisais l'orchestre de manière beaucoup plus complète, c'était difficile à mettre en œuvre. C'est le seul niveau où j'ai utilisé un orchestre au complet. La boucle est aussi très longue, environ six fois plus que les autres pistes du jeu.


Il y a une partie du jeu où l'on est pris dans un courant d'air et que l'on traverse un canyon. A ce moment-là, la progression est linéaire. Cet aspect linéaire vous a-t-il permis de structurer plus profondément la musique de fond ?

J'ai écrit ce morceau précis avant de voir le canyon dans le jeu. J'ai voulu composer quelque chose de vibrant, de joyeux. Le tempo est plus rapide, les instruments plus proches les uns des autres. Avant que je découvre ce moment du jeu, je crois que nous n'avions que des collines vertes.

Quand avez-vous commencé à travailler sur la musique ?

Durant la phase de pré-production. L'équipe de thatgamecompany avait commencé à travailler sur des prototypes, sur PC. A ce moment-là, il fallait encore convenir de certaines mécaniques du système de jeu. Ils pouvaient compter sur moi pour influencer subtilement les niveaux et le style artistique avec ma musique, comme je l'avais fait avec Cloud. En fait, ils ont aimé être surpris, ça les a inspiré.

Etant un jeu sans mots, il doit être facile de le distribuer dans les autres régions du monde.

Il est même sorti au Japon et en Europe avant les Etats-Unis. J'ai jeté un oeil aux forums japonais, j'ai pu voir ces types publier leurs vidéos du jeu sur Nico Video, celles avec les commentaires qui traversent l'écran. Je suis content qu'ils apprécient la musique, surtout parce que ce sont ces excellentes bandes originales japonaises, celles de Star Fox et Zelda par exemple, qui ont bercé mon enfance.

Comptez-vous proposer la musique de Flower en téléchargement ?

Sony et moi sommes en train d'en discuter. La musique de Flower ne se prête pas très bien à l'écoute d'un album, chaque morceau étant vraiment interactif. Il y a peut-être des pistes avec des boucles, mais le joueur apporte toujours une nouvelle couche aux instruments déjà présents.

[Images : Sony Computer Entertainment.]

dimanche 15 février 2009

Interview avec Noriyuki Asakura

Tenchu 4 sort ce mois-ci en Europe sur la Wii de Nintendo, et au cours du mois d'avril sur PSP. L'occasion de se pencher sur la bande originale de ce nouvel épisode d'une série d'infiltration à la sauce action qui a commencé sur PlayStation voici plus de dix ans. Dix ans, et "il" est toujours là. "Il", c'est Noriyuki Asakura, le compositeur qui avait à l'époque mis en musique les aventures de Rikimaru. Le voilà à nouveau exploitant ce style de musique aussi inattendu que réussi, du "progressif asiatique" qui rappelera à certains la délicieuse folie d'un Shadow Hearts -- cette folie rampante qui serait intimement liée à la culture japonaise. Un brin d'instruments traditionnels japonais, une touche classique pimentée par la guitare de Kiyotsugu Amano, des voix fantomatiques... Asakura nous offre un univers aussi attirant que pénétrant, oriental dans tous les sens du terme.

Interview réalisée par Jeriaska, traduite du japonais à l'anglais par Ryojiro Sato. Le texte est disponible en anglais sur GameSetWatch, en japonais sur Game Design Current et en russe sur Game-OST.ru.

Noriyuki Asakura 朝倉 紀行

M. Asakura, merci d'avoir accepté de discuter des musiques de la série Tenchu avec nous. Beaucoup de joueurs anglophones ont réagi à votre utilisation d'instruments en grande partie japonais dans le premier épisode en disant qu'ils correspondaient au rythme du jeu et qu'ils rendaient le mélange d'infiltration et d'action plus intense. Comment avez-vous trouvé un équilibre entre les instruments traditionnels japonais et des styles de musique plus modernes ?

Je ne voulais pas m'inscrire dans une approche similaire à celle de la plupart des histoires se déroulant dans le Japon historique, où l'on entend souvent des bandes originales d'ambiance inspirées par la musique impériale. J'ai donc cherché à m'extraire de la norme, à produire un nouveau standard dans la musique asiatique. Plutôt que de me limiter à la tradition japonaise, je me suis ouvert à des influences chinoises et thaïlandaises. Je me suis également servi de styles venus de l'Asie de l'ouest, notamment des musiques arabes que l'on trouve en Turquie. Mon objectif était de mélanger ces éléments divers et variés avec de la fusion jazz-rock à l'occidentale, et ce afin de surprendre les joueurs. J'ai cherché à créer un nouveau concept, à savoir de la musique progressive asiatique, tout comme au cours des années 70 vous trouviez du rock progressif.

Comment vous êtes-vous retrouvé à travailler sur le premier Tenchu, sur PlayStation ?

On m'a présenté à Masami Yamamoto, producteur chez Sony Computer Entertainment. Il était à la recherche d'un compositeur pour le projet. Il m'a donné une copie du scénario sur laquelle je me suis basé pour choisir une piste issue d'un précédent projet et qui me semblait convenir. On peut dire que ce morceau l'a beaucoup marqué, puisqu'il m'a demandé "est-ce que je peux l'utiliser ?".

Comme j'avais écrit cette piste pour un autre projet, j'ai dû négocier avec les détenteurs des droits. Finalement, ce morceau est devenu très important dans l'univers de Tenchu. Il s'agit de celui que l'on entend lors de l'introduction du jeu. Pour le reste de la bande originale, on m'a demandé de rester dans le même registre. Quand j'y repense, c'était une chance remarquable que la bonne piste soit tombée au bon moment entre les mains du producteur de Tenchu.


Pensez-vous que vos précédentes expériences dans le domaine de la musique de jeu vous ont préparé à ce projet ?


En ce qui concerne la musique de jeu vidéo, j'ai participé à la création de Crime Crackers, un jeu publié peu de temps après la sortie de la PlayStation. Sony commençait à dominer le marché, et ils m'ont demandé une bande originale à la qualité comparable à celle d'un film. Qui plus est, le budget n'était pas un problème.

Comme la qualité de la musique est nécessairement influencée par le budget, j'ai acheté de l'équipement haut de gamme afin de réaliser des expériences sonores. Le résultat était très travaillé, comme ils avaient pu l'espérer. Pour quelqu'un qui adore travailler avec des instruments acoustiques, comme moi, c'était une véritable bénédiction.

A ce moment-là, je ne m'étais pas encore rendu compte des qualités esthétiques de la musique asiatique. Mon appréciation nouvellement née est tombée au bon moment : je commençais tout juste à composer les musiques de Tenchu et de la série animée Rurôni Kenshin.

En quelle langue est le chant que l'on entend dans l'introduction du premier Tenchu ?

C'est de l'haoussa, une langue d'Afrique de l'ouest. J'avais envie d'invoquer "un sens de l'isolation au milieu d'une terre immense" et "un sentiment de solitude lors d'une prière au beau milieu d'un désert de sable". Ma première idée était d'utiliser de l'anglais, mais la langue ne me semblait pas convenir pour exprimer cette imagerie. J'ai ensuite essayé le japonais, mais c'était trop proche de notre langue de tous les jours. J'ai réalisé une multitude d'essais afin de rester fidèle à l'idée originale, et le haoussa s'est révélé être le meilleur choix.

J'en déduis que vous aimez voyager.

Oui, pour trouver de nouvelles idées et découvrir de nouvelles musiques. Je me suis rendu en Turquie et en Malaisie pour cela. Afin de trouver l'énergie nécessaire pour travailler dans l'industrie du divertissement, je préfère visiter New York et Los Angeles. Tout est une question d'équilibre. Quand je voyage, j'ai plutôt tendance à le faire seul.

Le personnage de Rikimaru est devenu l'un des archétypes du ninja dans le jeu vidéo. Comment avez-vous tenté de correspondre au personnage lors de la composition des musiques de Tenchu ?

Je dirais qu'il représente la masculinité à son paroxysme. Dans Tenchu 3, il y a une scène où il est entouré par une armée à tel point qu'on le pense définitivement perdu. J'ai nommé le thème d'ouverture du jeu "Fate ~SADAME~" pour souligner qu'il est déterminé à avancer, peu importe le nombre d'ennemis qui lui fait face. C'est comme cela que je vois le personnage.

Tenchu 4

Avez-vous déjà travaillé avec les interprètes auparavant ?


Nous avons formé un groupe, add'ua, composé d'un guitariste, d'un bassiste, d'une chanteuse et de moi-même. La chanteuse, vous le savez sans doute, est Yui Murase.

Tenchu est célèbre pour son style de jeu unique, mélangeant action et infiltration. Comment avez-vous réussi à maintenir un équilibre entre l'action et le suspense ?

En réalité, c'est également lié à l'idée de rock progressif. Les musiciens progressifs des années 70 ont cherché un moyen d'introduire de grandes variations dans l'atmosphère de leurs pistes en changeant régulièrement de ton. En cherchant à faire de même dans un contexte de musique asiatique, je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'un même type d'expérimentation. Les changements brutaux dans l'intensité de la bande originale sont placés de telle sorte que le joueur y est plus attentif. Cela dit, l'aspect le plus important dans mon idée de musique progressive asiatique était que le résultat semble naturel.

Tenchu 4 est attendu comme un retour à l'esprit du jeu original. Etait-ce également un moyen d'explorer de nouveaux horizons ?

C'est en fait ce que le réalisateur m'a demandé, à savoir faire quelque chose de totalement nouveau tout en gardant l'image du premier Tenchu. Je me suis dit que c'était plutôt contradictoire ! (rires) C'était une demande curieuse. Pour relever ce défi, j'ai décidé d'ajouter de nouveaux instruments, d'essayer de voir si la batterie pouvait produire des effets différents, et d'ajouter un soupçon de musique classique. Rester fidèle à la tradition de Tenchu tout en étant dans un nouveau contexte, ce n'était pas chose facile.

Avez-vous participé à la préparation de la bande originale, publiée par Aniplex ?

Bien sûr. J'ai supervisé l'intégralité du processus.


Quels instruments avez-vous enregistré en studio ?


Sur cette bande originale, les violons jouent un rôle plus important grâce à la participation du groupe Gen Ittetsu Strings. Un habitué de Tenchu, Kiyotsugu Amano, a également offert son accompagnement à la guitare. La nouveauté est venue de l'utilisation du shinobue [une flûte japonaise au son aigu] et du shamisen. Auparavant, j'utilisais des échantillons sonores pour ces instruments, mais je me suis dit que d'inviter de vrais musiciens pour Tenchu 4 apporterait plus de fraîcheur.

Pouvez-vous nous parler des musiciens qui ont participé aux enregistrements ?

Hyakutaka Fukuhara joue du shinobue, et le shamisen est interprété par Yutaka Oyama, un maître de la nouvelle génération de joueurs de cet instrument. Le batteur est un de mes amis. Comme nous avons joué dans le même groupe quand nous étions plus jeune, il comprenait facilement ce que je voulais. Il y a d'ailleurs quelque chose qui m'inquiète parmi les jeunes compositeurs actuellement : peu d'entre eux ont fait partie d'un groupe, alors qu'il s'agit d'une expérience inestimable pour n'importe quel musicien. Cela vous apprend à communiquer en tant que musicien et développe votre esprit d'équipe. En répétant une musique avec son groupe, on apprend bien plus qu'en travaillant seul dans son coin. En ne travaillant que conformément à ses propres goûts, un musicien a peu de chances de se développer.

Peut-on s'attendre à des ajouts pour le futur portage sur PSP ?

La bande originale sera la même entre la Wii et la PSP. Cela dit, il y aura deux nouvelles pistes dans la version PSP. Elles possèdent des éléments de musique de classique en plus, ce qui les éloigne encore un peu plus de la norme. Elles reprennent des thèmes de style asiatique, mais on y trouve des évocations de musique classique. J'ai participé à un enregistrement aujourd'hui même, nous avons enregistré la batterie et les percussions. Cela donnera un côté "musique de film" à la bande originale.

Au final, quel aspect de Tenchu 4 avez-vous le plus cherché à souligner dans l'écriture de la bande originale ?

L'amour. Cela peut sembler trompeur, mais au travers de la série, l'un des thèmes les plus importants est celui de l'amour de Rikimaru envers les autres. En tant que compositeur, mon travail est de faire ressortir cet amour, qui exprime également un intérêt pour la figure que constitue Rikimaru. En ce sens, la signification profonde est bien l'amour.

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[Vous pouvez acheter la bande originale de Tenchu 4 sur Amazon.co.jp. Images : Ubisoft. Photographie : Jeriaska.]

vendredi 13 février 2009

Squaremusic Awards 2008

Le temps passe, mes amis ! Nous voilà déjà au crépuscule d'une décennie fort chargée pour le jeu vidéo et sa musique. L'année dernière, j'étais fier de couronner le succès de ce "petit nouveau" bourré de talent, Takeharu Ishimoto ! Cette année, rien de tel. Si les "20 ans" de Yôko Shimomura n'étaient pas là, que serait cette année 2008 pour la branche musicale de Square Enix ? Eh bien la preuve que la société patauge lentement mais sûrement, à ne pas vouloir sortir de jeux de nouvelle génération un tant soit peu présentables, préférant privilégier les productions frustantes sur DS. Ah, pour entendre une VGM brillante, ingénieuse, raffinée, chaleureuse, magique, puissante, fraîche... il faut aller voir ailleurs.

Bande originale de l'année
Sont nominées :
- Sigma Harmonics Original Soundtrack
- Infinite Undiscovery Original Soundtrack
- The Last Remnant Original Soundtrack
- Dissidia -Final Fantasy- Original Soundtrack
Et le vainqueur est :
- Aucune

C'est terrible, mais le choix m'est impossible. De ces quatre "meilleurs" albums, aucun ne réussit à foutre une volée aux autres pour se faire respecter. De petits défauts sont toujours là pour nuire à leur possible victoire. Sigma Harmonics est trop court, malgré les moments hamauzuesque (un synonyme de génial), Infinite Undiscovery a bien ses moments de gloire mais ils se cachent entre deux beuarg spécial Sakuraba, The Last Remnant n'a que peu de saveur (mais bravo à Sekito, qui a réussi à coller au terne du jeu) malgré des thèmes de combat rock fort sympathiques, et Dissidia navigue entre arrangements moyens et à peine bons, malgré des passages très réussis. Finalement, Sigma Harmonics a peut-être le défaut le moins fatal, mais je n'ai pas envie de saluer un Hamauzu en petite forme. Pour trouver la vraie bande originale de l'année en matière de VGM, il faut voir ailleurs !

Album arrangé de l'année
Sont nominés :
- The Black Mages III Darkness and Starlight
- drammatica -The Very Best of Yoko Shimomura-
- Valkyrie Profile -Covenant of the Plume- Arrange Album
- Chrono Trigger Orchestra Extra Soundtrack
Et le vainqueur est :
- drammatica -The Very Best of Yoko Shimomura-

Une victoire absolument écrasante, qui plus est. Pour fêter ses 20 années dans la profession, Yôko Shimomura a trouvé l'album à sa mesure. Intense et gracieux, puissante et magique, drammatica est tout cela. Et même plus. Le titre est en réalité la meilleure illustration de l'album, et même de ce vers quoi la compositrice tend lorsqu'on la laisse remplir le silence. Des marches triomphales de Front Mission aux thèmes majestueux de Kingdom Hearts, en passant par les mélodies fatales de Live A Live ou la douce nostalgie de Legend of Mana, la musicienne a déjà à son actif des monuments de la musique de jeu. (On en oublierait presque la regrettable absence de Parasite Eve.) Enrobée dans une superbe interprétation orchestrale, son œuvre gagne une cohérence qui lui rend dignement hommage. Avant de s'achever sur la promesse d'une nouvelle merveille, dénommée Final Fantasy Versus XIII.

Thème principal de l'année
Sont nominés :
- "The Remains of Time" (Sigma Harmonics) par Masashi Hamauzu
- "Prelude to Liberation" (Infinite Undiscovery) par Motoi Sakuraba
- "The First Awakening" arrangée (The Last Remnant) par Tsuyoshi Sekito
- "DISSIDIA" (Dissidia -Final Fantasy-) par Takeharu Ishimoto
Et le vainqueur est :
- "The First Awakening" arrangée (The Last Remnant)

Si la bande originale manque cruellement de saveur, le thème principal est une petite merveille. En tout cas, dans sa version arrangée disponible uniquement dans l'édition iTunes de l'album. Drôle de choix, mais il faut dire que "The First Awakening" en tant que première piste de l'album physique semble incomplète. Les percussions sont là, les chœurs aussi, les cordes en accompagnement itou, mais il manque une mélodie guerrière pour couronner le tout. C'est pour cela qu'il faut se tourner vers cette version arrangée, qui l'y ajoute. Ou bien, mais ce n'est qu'un passage, il y a le début du "Finale" (de toute façon, le reste est aussi géant). Dans tous les cas, Sekito nous offre un thème principal d'une excitante violence... Il fallait bien ça pour un jeu aussi belliqueux.

Chanson de l'année
Sont nominées :
- "Somnus" (Final Fantasy Versus XIII) par Andrea Hopkins
- "Transformation" (The World Ends with You) par Andy Mitchell
- "Harmonia vita" (Sigma Harmonics) par Aya Hirano
- "Cosmos"/"Chaos" (Dissidia -Final Fantasy-) par Your Favorite Enemies
Et le vainqueur est :
- "Cosmos"/"Chaos" (Dissidia -Final Fantasy-)

D'habitude, les chansons thème sont les premières dévoilées. Viennent longtemps après les noms des compositeurs. Et pourtant, les chansons de Dissidia n'ont eu droit à absolument aucune publicité, simplement une rapide mention sur le site officiel de la bande originale ! La théorie la plus probable est qu'elles ont été enregistrées et ajoutées vers la fin du développement. C'est sans oublier la méconnaissance totale du groupe canadien Your Favorite Enemies au Japon. Les choses ont dû changer, maintenant que le jeu caresse le million d'exemplaires vendus... Quoiqu'il en soit, "Cosmos" et "Chaos" sont deux pistes réjouissantes, composées par un Takeharu Ishimoto en mode "rock émo". Mais non, ne fuyez pas. C'est Ishimoto. Encore une fois bravo, M. Bête-de-travail, il y a dans ces pistes une sacrée ambiance, ce qui est d'autant plus étonnant quand on sait qu'il s'agit de thèmes de combat !

L'album que tout le monde a oublié/préféré oublier
Sont nominés :
- Final Fantasy IV Original Soundtrack
- Piano Collections Final Fantasy XI
- Final Fantasy Remix
- Valkyrie Profile -Covenant of the Plume- Original Sound Track
Et le vainqueur est :
- Piano Collections Final Fantasy XI

L'album fantôme. Joli quand on l'écoute, oublié quelques instants après. Certes, j'entends dire que c'est Final Fantasy Remix que l'on a "préféré oublier", mais là où cet album a du caractère (un peu trop, au goût de beaucoup), le piano collections de FFXI n'a rien de passionnant. Et ce malgré une sélection judicieuse, même si on peut lui reprocher d'ignorer les morceaux les plus "anciens" (autrement dit, ceux qui étaient aussi l'œuvre de Kumi Tanioka et Nobuo Uematsu). Quelques instants après la fin du disque, on a déjà d'autres mélodies en tête...

Prix de l'impatience 2009
Sont nominés :
- Dragon Quest IX (Kôichi Sugiyama)
- Final Fantasy XIII (Masashi Hamauzu)
- Kingdom Hearts: Birth by Sleep (Yôko Shimomura)
- The 3rd Birthday (Yôko Shimomura)
Et le vainqueur est :
- Final Fantasy XIII

Evidemment. Malgré tout l'admiration que j'ai pour Kôichi Sugiyama et la profonde affection que j'éprouve pour le travail de Yôko Shimomura, ils ne peuvent rien à côté de ce que Masashi Hamauzu concocte en secret depuis près de trois ans... Peut-être avons-nous trop d'espoir ? Mais tout ce qu'il a fait par le passé était touché par le doigt de Dieu (Sigma Harmonics, je t'absouds). Il n'y a pas de raison que cela s'arrête en si bon chemin. Et l'ouverture récente du site officiel du jeu démontre que tout ce que l'on peut attendre a de fortes chances d'arriver. Premier avant-goût de son travail le 16 avril prochain, date de l'arrivée de la démo japonaise. Et tant pis si le président de Square Enix éjecte le jeu de cette année 2009 vers la suivante d'une pichenette méprisante.

Spécial : Meilleur album de Motoi Sakuraba
Sont nominés :
- Forest of glass
- Star Ocean: First Departure Original Soundtrack
- Star Ocean: Second Evolution Original Soundtrack
- Tales of Symphonia: Knight of Ratatosk Original Soundtrack
- Tales of Vesperia Original Soundtrack
- Tales of Series Battle Arrange Tracks
- Tales of Series Piano Arrange Tracks
- Infinite Undiscovery Original Soundtrack
- Valkyrie Profile -Covenant of the Plume- Original Sound Track
- Valkyrie Profile -Covenant of the Plume- Arrange Album
- Tales of Hearts Original Soundtrack
Et le vainqueur est :
- Forest of glass

J'étais presque tenté de faire un grand coup du genre "aucun vainqueur !" tellement Motoi Sakuraba nous a usé cette année. Onze sorties à lui tout seul (et je n'ai pas inclus les albums promotionnels ou certains travaux collectifs) en l'espace d'un an, c'est ce que font certains compositeurs de VGM en une décennie. Bon, bon, c'est vrai, les deux Star Ocean, c'est de la triche. Les cinq Tales of, par contre... Cette série, qui s'apparente plus à une vidéoludicorrhée, s'accapare le compositeur à tel point qu'il se trouve obligé d'écrire la même chose faute de temps pour réfléchir. Le pire, c'est que c'est contagieux. Fort heureusement, Infinite Undiscovery survit au massacre et s'avère être son meilleur travail de l'année côté bandes originales, même s'il est à des années-lumière de ce qu'il a pu produire par le passé... Finalement, Forest of glass est la seule vraie respiration au sein de ces cuivres boueux et de cette débauche de vide. Avec un simple piano, le virtuose se réveille, et de ses doigts magiques coulent des paysages de verre à la touchante délicatesse. Avec l'espoir effacé que Star Ocean: The Last Hope nous surprenne...

samedi 7 février 2009

Koshiro × Hibino, Sekaiju no OngaQ

J'ai été extrêmement impressionné par la compréhension que Norihiko Hibino avait de ma musique. (Yûzô Koshiro)

Certaines collaborations sont le fruit du hasard, mais le génie qu'elles engendrent n'a rien de fortuit. La rencontre entre Yûzô Koshiro et Norihiko Hibino fait partie de ces collaborations aussi inattendues que profondément géniales. Koshiro et Hibino se sont croisés pour la première fois pendant l'organisation du premier concert Hyper Game Music, en 2007. Rapidement est née l'idée de travailler ensemble sur un projet. Il n'a pas fallu attendre longtemps : en septembre 2007 sortait le premier Super Arrange Version de la saga DS Sekaiju no Meikyû (connue sous le nom d'Etrian Odyssey en dehors du Japon). Tout est produit par Hibino, et la plupart des pistes sont arrangées par des membres de son studio GEM Impact (Takahide Ayuzawa, Yoshitaka Suzuki et Takahiro Izutani). Résultat ? Formidable. Quelques reprises d'une beauté inouïe, "Labyrinth I" (le saxophone !) et "Labyrinth V" (le violon !) notamment.




Yûzô Koshiro arrangé par Yoshitaka Suzuki, "Labyrinth I" (VGMdb)

Aaah, "Labyrinth I"... Le genre de musique légère qu'une âme en quête d'évasion ne peut refuser. Je sais que là, je parle surtout pour moi, mais j'imagine que Koshiro lui-même n'a pas été insensible à tant de magie. De cette collaboration fructueuse, le compositeur a par la suite commenté :

Je me suis rendu compte que Hibino n'est pas simplement un très bon arrangeur, mais que c'est également un producteur hors pair qui est capable de gérer les musiciens afin de réaliser les meilleurs enregistrements possibles, peu importe la situation. Je lui fais vraiment confiance. (Yûzô Koshiro)

Une confiance qui a duré, à tel point que le deuxième épisode de la série Sekaiju no MeiQ s'est lui aussi vu doter d'un album arrangé. Hibino, qui n'avait pas eu le "courage" de travailler sur les arrangements du premier album, a cette fois-ci mis la main à la pâte. Résultat ? Formidable. Le premier "Labyrinth I", arrangé par Yoshitaka Suzuki, y laisse place à un nouveau "Labyrinth I" remanié par Hibino, et dont la chaleur acoustique lave encore une fois la noirceur de nos esprits fatigués à coup de rayons de soleil et de paysages verdoyants. Cet arrangement est tellement magnifique qu'il a tracé la route pour un nouvel album... que le monde a voulu : Koshiro, charmé par les reprises acoustiques du CD ; Hibino, persuadé qu'il existe un public pour ce type de musique reposante ; et surtout Masatoshi Nakamura, le producteur de la maison de disque 5pb Records, qui a courageusement choisi d'éditer ces CD.




Yûzô Koshiro arrangé par Norihiko Hibino, "Labyrinth V" (VGMdb)

Tout ceci nous mène donc à ピアノと弦楽器の生演奏による (piano to gengakki no namaensô ni yoru), ou "Live Music for Piano and Strings", si vous préférez. Le but d'Hibino était simple : faire comme "Labyrinth I" de l'album arrangé de Sekaiju no Meikyû 2, mais avec toutes les pistes de l'album. Il faut dire que les deux précédents albums d'arrangements proposaient aussi des pistes rock parfois peu commodes (voyez les reprises de Jeff Curry !). Eh bien non, cette fois-ci, tout est calme et reposant. 50 minutes de piano, de violon, de violoncelle et de guitare, avec un brin de percussions : relaxation garantie. Et qui ose parler d'ennui ? L'homme impatient.

Cette collaboration a heureusement de l'avenir. Il y a quelques mois, Hibino n'a pas caché son intérêt pour l'une des oeuvres fondatrices de Koshiro, à savoir Actraiser. Que pourrait-il en faire ? Pensez très fort à "Filmoa" ! Koshiro, de son côté, n'a pas écarté la possibilité d'un album arrangé pour 7th Dragon, son prochain jeu (prévu sur DS pour le 5 mars au Japon). En attendant, on ne peut que se laisser une nouvelle fois transporter par l'imaginaire sylvestre de Sekaiju no Meikyû revisité par Hibino & friends.