vendredi 18 décembre 2009

Interview avec Hirokazu Tanaka

Notre plus généreux donateur d'interviews, Jeriaska, a récemment publié une très intéressante discussion entre Baiyon (connu pour son travail sur les visuels et la musique de PixelJunk Eden) et Hirokazu "Hip" Tanaka. Tanaka n'est certes pas aussi connu que Nobuo Uematsu ou Kôichi Sugiyama, pourtant c'est l'une des plus grandes pointures de la musique de jeu vidéo des années 80. Il a travaillé sur le premier Metroid et Kid Icarus, mais aussi et surtout sur la série Mother et ses suites (le 2 étant connu sous le nom d'Earthbound en dehors du Japon). Alors que les compositeurs de l'époque se contentaient souvent de mélodies simples et entraînantes faute de qualité sonore satisfaisante, Tanaka explorait déjà les possibilités d'ambiance offertes par le support. Je n'ai pas traduit l'intégralité de l'interview, mais vous pouvez la lire en anglais :


Voici le passage le plus intéressant, à mon avis :

En toute honnêteté, à l'époque, j'avais beaucoup de réserves concernant l'emploi de la musique dans les jeux. C'était assez gênant. La musique de fond se contentait de jouer en boucle, et je trouvais cela énervant. Je pensais que la partie sonore devait être plus du côté des effets sonores, parce que le joueur a un contrôle sur ces derniers. Le son du jeu aurait été plus uni. Je rêvais vraiment d'un jeu dans lequel la partie audio aurait été entièrement composée d'effets sonores.

C'est ce que j'avais en tête quand je travaillais sur Metroid. Mon idée était de ne pas avoir de musique vraiment mélodique avant la fin du jeu, pour que le joueur éprouve une vraie satisfaction de l'avoir terminé. Vous étiez devant ce jeu à la musique très sombre, vous passiez des semaines avant d'en voir le bout. Cette mélodie qu'on entend à la fin du jeu faisait vraiment office de récompense.

Je voulais que les gens ressentent cette impression. On me disait pourtant qu'il fallait une musique plus enjouée, parce que les jeux étaient censés être amusants. Après Dragon Quest, tout le monde s'attendait à entendre de belles mélodies dans les jeux, alors j'avais bien du mal à faire comprendre mon point de vue. De nos jours, on comprend enfin que la création sonore ne se limite pas à la "musique de jeu", mais nécessite la conception d'un véritable environnement grâce au son. Il aura fallu vingt ans pour qu'on me donne raison.

mercredi 25 novembre 2009

Interview : Hiroki Kikuta & Hitoshi Sakimoto

Après la remarquable discussion entre Hiroki Kikuta et Yôko Shimomura, Jeriaska revient à la charge avec une nouvelle interview de Kikuta, mais avec Hitoshi Sakimoto cette fois-ci. Les deux musiciens, qui se connaissent eux aussi de longue date, reviennent notamment sur l'époque de Secret of Mana et Ogre Battle, quand ils exploraient tous les deux les possibilités sonores des consoles. Mais la discussion porte également sur leurs projets actuels et leurs méthodes de travail. Encore une fois, une lecture passionnante :


Notez au passage que la bande originale de Muramasa: The Demon Blade va sortir en CD le 16 décembre, publié directement par Basiscape, qui inaugurera à l'occasion son propre label. Cliquez ici pour en savoir plus. Comme vous pouvez le voir, tout le studio de Sakimoto a été mobilisé pour ce très beau jeu Wii, successeur spirituel d'Odin Sphere. Cette fois-ci, la musique est plus discrète, les rythmes plus omniprésents, le tout saupoudré d'instruments traditionnels japonais pour coller au style graphique. Sakimoto a d'ailleurs fourni un excellent thème principal, tout en nuances.

dimanche 22 novembre 2009

Critique éclair : Love SQ

Love SQ
Compositions originales de Nobuo Uematsu, Yasunori Mitsuda, Yôko Shimomura et Kenji Itô, remixées par PE'Z, DE DE MOUSE, NOVOISKI, livetune, Sexy-Synthesizer, Good Luck Heiwa, note native, Muzik!, -Pia-no-jaC- et no.9. Cliquez ici pour plus d'informations.

Cet album hommage aux jeux de l'époque Square s'est révélé en septembre dernier au travers d'une excellente reprise jazzy du thème principal de Final Fantasy. Deux mois plus tard, le voilà au grand complet (déjà disponible sur iTunes). Cet avant-goût extrêmement charmeur cachait néanmoins un CD moyen, partagé entre des reprises très abouties et/ou audacieuses, et d'autres particulièrement pénibles. Chrono Trigger et Legend of Mana, pourtant œuvres de grande qualité, ont malheureusement fait les frais du travail agaçant d'arrangeurs tels que livetune, NOVOISKI et SEXY-SYNTHESIZER : des rythmes techno lourds, des instruments électroniques à l'effet proche du lavage de cerveau, des incursions de 8-bit qui agressent les oreilles. Le thème de fin et le medley Frog/Fanfare de Chrono Trigger deviennent rapidement insupportables. Muzik!, qui avait pourtant déjà fait acte d'horreur, s'en sort presque correctement en comparaison, avec un 8-bit plus planant. Le salut du disque vient des excellents arrangements de PE'Z, -Pia-no-jaC- et no.9 notamment. Ce n'est que du Final Fantasy, mais à travers des styles aussi variés qu'inspirés, ils ont réussi à rendre effectivement hommage à cette époque lumineuse. Le merveilleux "Prelude" qui clôt l'album en est la plus belle marque de respect.

Appréciation : moitié faible, moitié très bon


dimanche 11 octobre 2009

Critique éclair : Valkyria Chronicles (Anime)

Valkyria Chronicles (Anime) Original Soundtrack
Composé et arrangé par Hitoshi Sakimoto. Pistes orchestrées arrangées par Nicole Brady, Jackson Harrison, Nova Pon et Christiaan Venter, interprétées par le Czech Film Orchestra dirigé par Jan Chalupecky. Cliquez ici pour plus d'informations.

La bande originale du jeu PS3 Valkyria Chronicles, sortie en 2008, était le premier travail en solo de Hitoshi Sakimoto après Final Fantasy XII. Après des prestations pénibles aux côtés de sous-fifres encore moins inspirés que lui, cet album était un vrai retour en force grâce à des mélodies épiques et des marches guerrières très inspirées, ainsi que de merveilleuses interventions de l'orchestre Eminence. Seul, Sakimoto est capable de développer son style avec une plus grande richesse. C'est ce que prouve une nouvelle fois la bande originale de Valkyria Chronicles, sauf qu'il s'agit ici de la série animée. Si vous avez aimé l'esprit lumineux et envolé de FFXII, vous devez absolument découvrir ce nouveau travail, qui s'en rapproche à plus d'un titre. Les cordes élégantes, le son chaleureux des instruments à vent, la touche rêveuse du piano, des rythmes malicieux : tout cela recrée l'atmosphère douce d'Ivalice, sauf que nous sommes bien en Gallia. Quelques magnifiques pistes orchestrées viennent renforcer le plaisir, autant dans les moments légers que dans les passages dramatiques. Une œuvre consistante et fournie, à l'image d'un Sakimoto épanoui et prêt à assumer son style. Avec aussi peu de reprises du jeu, on sent bien qu'il n'a pas pris ce projet pour un à-côté négligeable, que ses sbires auraient pu combler. Remarquable.

Appréciation : très bon

Interview vidéo : Soushi Yoshida (SQEX)

Comme vous avez pu l'apprendre dans un précédent article, Square Enix a une nouvelle fois profité du Tokyo Game Show pour distribuer un album sampler de leurs prochaines sorties en CD. Jeriaska et Miyu, qui ont eu la chance de se rendre au salon, ont pu recueillir le commentaire de Soushi Yoshida, le producteur de la branche musicale de Square Enix. Il offre quelques détails intéressants sur ces sorties à venir, à commencer par exemple avec Love SQ (que j'ai présenté sur FFWorld). Voyez cette version sous-titrée en français :

Interview avec Soushi Yoshida - TGS 2009 from Jeriaska on Vimeo.


Je m'excuse pour le petit souci de sous-titrage à 2 minutes 15. Voici ce que M. Yoshida dit normalement :

Le premier s'appelle Love SQ, et si vous êtes fans de la société Squaresoft, alors je pense que ça va vraiment vous plaire.

Une autre vidéo interview de ce type devrait être mise en ligne prochainement, et je suis certain qu'elle intéressera beaucoup certains de ceux qui me lisent...

dimanche 27 septembre 2009

Nier, Drakengard dans l'âme ?

Nier, à prononcer "near" en anglais, est le prochain fruit de la collaboration entre cavia et Square Enix. A vrai dire, c'est une histoire assez compliquée... Le jeu sort sous le simple nom de Nier en Amérique et en Europe, sur PlayStation 3 et Xbox 360, mais il est divisé en deux versions au Japon : Nier Gestalt sur Xbox 360 (identique au jeu prévu en Occident) et Nier Replicant sur PlayStation 3 (avec un design des personnages plus japonais). Square Enix a déjà publié des jeux développés par cavia auparavant, en la personne des deux Drakengard sur PlayStation 2 (ils portaient le nom de Drag-on Dragoon au Japon). Je m'excuse sincèrement si vous n'avez rien compris à ce premier paragraphe.

Pour ceux qui ont aimé les deux Drakengard, les premières images de Nier sont tout à fait réjouissantes tant l'esprit cruel et malsain de la série semble s'y retrouver. Bien sûr, il faudra attendre la sortie l'année prochaine pour juger de la pertinence de cette comparaison. S'il y a bien un domaine où la réjouissance est également de mise, c'est la musique. Les premiers échos de la bande originale de Nier sont en effet excellents, à commencer par la fascinante chanson du site officiel japonais :



Le site européen propose lui aussi un fond sonore intéressant, tout autant que la bande annonce dévoilée lors du Tokyo Game Show, que vous pouvez voir sur ce lien.

Si vous ne connaissez pas les musiques de Drakengard, c'est l'occasion rêvée. Chacun des deux jeux possède une approche tout à fait unique et remarquable. Le premier est de loin le plus original. La bande originale, signée Nobuyoshi Sano et Takayuki Aihara, est même l'une des plus étonnantes de toute l'histoire de la VGM, à tel point qu'elle a provoqué de nombreuses réactions, autant négatives que positives. Sano et Aihara ont enregistré plusieurs grandes œuvres de la musique classique avec le Tokyo New City Orchestra puis, dans leur studio, les ont découpées en courts extraits qu'ils ont ensuite recomposé de manière répétitive. Parmi ces oeuvres, on trouve notamment du Dvořák, Bartók, Holst, Mozart, Tchaïkovski, Wagner... Le résultat était d'une incroyable fureur. Au début du jeu, les pistes gardent un semblant d'ordre, de mélodie, malgré leurs rythmes guerriers, mais à la fin, elles sombrent dans une folie terrifiante, dans un chaos dénué d'espoir.

A ma demande expresse, Jeriaska a profité de son interview avec l'équipe de Korg DS-10 pour demander à Nobuyoshi Sano son sentiment sur ce projet totalement unique dans sa carrière. La réponse du musicien fait plaisir à lire :

Je voulais travailler sur un concept musical que j'avais trouvé chez les Chemical Brothers. Ils ont utilisé le son d'une guitare mais l'ont assemblé sur un fond de techno. En règle générale, il semble acquis que la guitare n'a pas sa place dans la techno. En réfléchissant à cela, j'ai imaginé reconstruire de la musique orchestrale à la manière de la techno.

Le concept de base de Drakengard est que le joueur est submergé par une vague d'ennemis qu'il doit abattre, et que l'histoire devient de plus en plus chaotique au fil de la progression. J'ai cherché à exprimer cette impression à travers la musique. Mais pour les joueurs qui s'attendaient à des musiques de RPG classiques, c'était une déception. Ils se plaignaient que la musique était répétitive et désagréable. Certaines critiques étaient, on peut le dire, très dures.

Cela dit, depuis peu, j'ai commencé à recevoir un certain nombre de réactions positives. Bien que la bande originale soit toujours une niche, il est satisfaisant de constater que de plus en plus d'avis reflètent les intentions originales du compositeur. En ce qui me concerne, j'aime toujours l'originalité et l'intensité de la musique. Si quelqu'un me demandait d'utiliser à nouveau de style, surtout s'il s'agissait d'une bande originale de film, j'arrêterais tous mes autres projets pour me concentrer uniquement sur celui-là.

La chanson thème, captivante, se fondait parfaitement dans le reste de la bande son. 尽きる (tsukiru, être épuisé), composée par Sano lui-même, est interprétée par Eriko Hatsune dans sa version japonaise. La version anglaise, renommée "Growing Wings", a été enregistrée par la doubleuse Kari Wahlgren (sous son pseudonyme Kay Jemsen), puis arrangée par Masashi Yano dans Drakengard 2, où elle devient une complainte plus mélodieuse, plus mélancolique.

Un changement tout à fait à l'image du reste de la bande originale. Nobuyoshi Sano a quitté son poste de (re)compositeur pour assurer la production sonore du jeu. Les musiques de cinématiques, discrètes, ont été écrites par Takayuki Aihara et Masashi Yano, mais n'ont jamais eu le droit à une sortie sur CD. Les pistes des phases de jeu étaient de loin les plus impressionnantes. Composées par le duo Aoi Yoshiki, formé par les musiciens Aoi Yuu et Yoshiki Matsumoto, ces pistes se détachent du chaos du premier épisode au profit de morceaux plus harmonieux. Cela ne les a pas empêché d'exprimer toute la violence du jeu, mais avec une ampleur proprement formidable : voyez 運命 (unmei, destin), extraordinaire thème de boss, 無明の渓谷 (mumyô no keikoku, la vallée des ténèbres), marquée par le désespoir, ou, bien sûr, 禁断の序曲 (kindan no jokyoku, le prélude interdit), l'impressionnant poème symphonique qui ouvre le jeu.

Si Nier sait proposer un tel degré d'intensité, et malgré les faiblesses qu'il semble afficher déjà, il pourrait bien devenir le Drakengard de cette génération : un jeu aux défauts manifestes, mais tellement puissant dans son parti-pris qu'il est une référence.

Cliquez ici pour acheter la B.O. de Drakengard 2 sur Play-Asia. Les deux volumes de la bande originale du premier sont malheureusement épuisés depuis longtemps.

vendredi 25 septembre 2009

Square Enix Sampler Vol.4

Comme tous les ans maintenant, la branche musicale de Square Enix offre un aperçu de ses prochaines sorties à tous ceux qui achètent des albums sur leur stand au Tokyo Game Show. Le premier du genre était sorti en mai 2007, lors de la Square Enix Party, et proposait une piste de Vielen Dank avec quelques semaines d'avance. Le second donnait un avant-goût de FFTA2 et FFIV DS (j'en avais parlé à l'époque), le troisième de The Last Remnant et Dissidia. Ce quatrième volume est de loin le plus généreux de tous, puisqu'il annonce la sortie de plusieurs disques ! Voyons cela piste par piste :

1. Final Fantasy XI Les Guerriers de la Déesse (TGS 2007)
Au Tokyo Game Show d'il y a deux ans, Square Enix montrait une superbe vidéo de la dernière extension de FFXI, Les Guerriers de la Déesse. Mais quelle était notre déception quand nous avons noté l'absence de la musique sur la bande originale sortie quelques mois plus tard. Square Enix corrige ici le tir (si on veut, vu l'exclusivité du disque). Il aurait été dommage de ne pas avoir ce beau passage héroïque et ces choeurs magiques en CD, le tout bien sûr signé Naoshi Mizuta.

2. Hikari no 4 Senshi -Final Fantasy Gaiden-
Naoshi Mizuta toujours avec ce seul et unique extrait du prochain dérivé de Final Fantasy sur DS. Seul et unique car nous n'avons pas entendu un seul morceau du jeu en dehors de celui-ci, qui doit être le thème principal : il est notamment sur le site officiel du jeu et de la bande originale. J'avoue qu'il est excellent, avec un côté old school aussi assumé que réussi (on ne peut pas en dire autant du jeu), et sa mélodie inhabituellement prenante pour du Mizuta. Le CD de la bande originale est prévu pour le 4 novembre prochain. Pour en savoir plus, c'est par ici.

3. FFCC The Crystal Bearers
Les Final Fantasy se suivent et ne se ressemblent pas sur ce sampler. Mais il faut dire que Crystal Bearers, premier "vrai" épisode sur Wii, est en lui-même tout à fait différent des autres grâce à son système de jeu en apparence très libre. La partie musicale a été assurée par Hidenori Iwasaki, qui a reçu l'aide de Ryô Yamazaki à la composition et l'arrangement. Kumi Tanioka n'est pas totalement absente, puisqu'elle a composé au moins une nouvelle piste (peut-être une chanson), et que Iwasaki devrait reprendre certains thèmes des précédents épisodes.

La piste du sampler est un pot-pourri de plusieurs musiques, chacune durant 30 secondes. Le premier est le thème country que l'on entend à partir de 13 secondes dans cette vidéo. Il s'enchaîne de manière tout à fait inattendue par un magnifique thème orchestré, qui s'arrête et revient à la toute fin de la piste pour un final fantastique (vous pouvez l'écouter en version synthétique à la fin de la dernière bande annonce). Entre ces deux bouts, une piste rock absolument géniale. Cet album, prévu pour le mois de décembre, devrait bien claquer la gueule, si vous voulez mon avis !

4. Love SQ
Plongeons maintenant dans les vraies nouveautés. Cette quatrième piste est tirée d'un projet intitulé "Love SQ" dont nous apprenons l'existence ici. Le site officiel du projet n'est pas plus explicite, mais les informations dont nous disposons suffisent à penser qu'il s'agit d'un disque d'arrangements de vieux jeux Square, comme le montre l'image de fond du Twitter associé. La piste sur ce CD est une excellente reprise jazz du thème principal de la série Final Fantasy par le groupe japonais PE'Z. Et je dis bien "excellente", pleine d'entrain, avec des improvisations savoureuses. Le site de PE'Z annonce la sortie d'un CD contenant le thème principal de FFIV pour le 25 novembre prochain, on peut penser qu'il s'agit de ce Love SQ franchement très prometteur. (J'aimerais bien savoir, après, s'ils ne confondent pas le thème de FFIV avec le prologue, à savoir la piste du sampler.)

5. C+D
Encore plus mystérieuse, cette piste est une reprise électronique de "Calling" et "Déjà vu" de The World Ends with You (d'où le titre). Elle est liée à un projet nommé "8bit Sound Project choBIT", choBIT étant la personne/le groupe responsable (en tout cas selon le CD) de la composition et de l'arrangement de la piste. Est-ce donc un Takeharu Ishimoto déguisé ? Les chants des pistes originales sont modifiés par ordinateur pour avoir l'air robotiques, un rythme électro s'y ajoute et des sonorités 8bit enrobent le tout. Malgré tout, ce n'est pas désagréable à écouter, mais j'aimerais bien savoir où cela va nous mener car ce type de musique s'est plusieurs fois révélé dangereux dans les albums publiés par Square Enix (muZik, ça vous dit quelque chose ?).

6. Sinister Sundown (Take 0)
Surprise totale ! Cette piste n'est autre que le premier extrait de Piano Collections Kingdom Hearts 2nd Album, la suite du CD sorti en mai dernier. Pas encore de date de sortie, encore moins de liste des pistes reprises, mais donner un extrait aussi tôt est déjà très généreux. Etant donné le "Take 0", on peut imaginer que ce n'est qu'un enregistrement temporaire. Il n'empêche que cette reprise au piano du thème de combat de la cité du crépuscule est une vraie réussite, très énergique. Et si ce deuxième piano collections se permettait des quatre mains ? Et des audaces aussi magistrales que la paraphrase sur "Dearly Beloved" ? Nous verrons cela en temps voulu, et à mon avis ce ne sera pas avant le début de l'année prochaine. Oh, et c'est Yôko Shimomura en personne qui produit, comme le premier.

7. 閃光 (senkô, éclair) de Final Fantasy XIII
Le meilleur pour la fin, si j'ose dire. C'est la première fois qu'une musique de Final Fantasy XIII est reproduite sur un CD, et rien que pour cela, on lui pardonnerait presque de ne pas être une piste totalement inédite. Je dis ça parce qu'il s'agit en réalité du thème de combat, auquel ont été greffés les bouts d'un thème de cinématique que l'on pouvait entendre dans la démo jouable sortie en avril dernier. Après une introduction musclée, le vrai thème de combat se lance, et... non, vraiment. Cela fait maintenant plus de trois ans que nous connaissons cette musique, mais rien n'y fait : elle reste toujours aussi fantastique. Une montée en puissance finement calculée, traversée par ce violon qui, quelques secondes plus tard, fait éclater un refrain de furie. Si jamais vous n'avez pas encore entendu Masashi Hamauzu faire son travail de génie, vous pouvez toujours écouter cet enregistrement de la démo. Ce n'est pas exactement la piste du sampler, mais la vache, qu'est-ce que c'est bon.

Merci beaucoup à Jeriaska !

dimanche 20 septembre 2009

Critique éclair : FFVII AC Complete

Final Fantasy VII Advent Children Complete Reunion Tracks
Composé par Nobuo Uematsu (musiques originales), Tsuyoshi Sekito, Keiji Kawamori (ACC) et Takeharu Ishimoto (On the Way to a Smile), arrangé par Tsuyoshi Sekito, Keiji Kawamori, Kenichirô Fukui, Kazuhiko Toyama, Shirô Hamaguchi (ACC) et Takeharu Ishimoto (OTWTAS). Cliquez ici pour plus d'informations.

Histoire que tout soit en CD, Square Enix a choisi de sortir un petit album bonus visant à combler les trous apparus dans la bande originale originale suite à la sortie de Final Fantasy VII Advent Children Complete. Le film étant plus long d'environ 30 minutes, il a fallu allonger ou compléter la bande son. Les 13 premières pistes de cet album en sont le résultat. Certaines sont des reprises du film original avec quelques passages additionnels, d'autres sont des arrangements totalement nouveaux. Les pistes allongées ne sont pas les plus intéressantes, car les ajouts sont rarement cruciaux. On redécouvre néanmoins avec joie des thèmes aussi monumentaux que "The Chase of Highway". "Sign", elle, n'a pas été simplement complétée de quelques secondes, mais a été totalement réinventée avec une orchestration sombre et un chœur glacé tout à fait prodigieux. Du côté des nouveautés, Kazuhiko Toyama, qui orchestre depuis quelques années les musiques de la compilation FFVII, a arrangé le thème principal du jeu et celui d'Aerith. Le premier est remarquable : son orchestration filandreuse rappelle la douceur ombragée de l'originale, mais sans aucune envolée héroïque.

La deuxième partie du disque comprend les pistes composées par Takeharu Ishimoto pour l'OAV On the Way to a Smile - Episode: Denzel, soit 17 minutes de musique. Moins inspiré que dans Crisis Core, le compositeur a néanmoins trouvé un thème principal très joli, tout en douceur, présent dans la piste 陽だまり (hidamari, la lumière du soleil). Les notes du piano (joué par Rieko Mikoshiba) apportent précisément de beaux rayons de soleil. Les pistes sombres sont assez faibles en comparaison, les reprises de Nobuo Uematsu elles aussi. Comme toujours, c'est quand le rock n'est pas loin qu'Ishimoto devient incontestablement brillant : la piste 約束 (yakusoku, promesse), ballade délicieuse menée par le piano, est ainsi un vrai bonheur.

Au final, Reunion Tracks n'est pas vraiment indispensable par rapport à l'OST originale de FFVII Advent Children, mais c'est de la qualité malgré tout. Les amateurs d'Ishimoto ne pourront sans doute pas se retenir de vouloir posséder sa modeste contribution. Malgré des faiblesses évidentes, son travail est de bonne facture.

Appréciation : bon

jeudi 17 septembre 2009

Last Ranker : quelques infos en plus

Maintenant que le jeu est officiellement en développement, de nouveaux détails au sujet de Last Ranker (annoncé ici) ont fait leur apparition. Dans un message sur son blog, Yôko Shimomura a déclaré qu'une partie de la bande originale a été enregistrée en Europe. Certains enregistrements ont apparemment eu lieu à Stockholm, avec un petit ensemble. Elle rapporte également que Hiroyuki "Chopin" Nakayama jouera du piano. Sa dernière collaboration avec Shimomura remonte au début de l'année, quand il a joué sur le piano collections de Kingdom Hearts. C'est la première fois depuis 15 ans que Shimomura travaille avec Capcom sur un nouveau jeu. Pour cela, elle écrit qu'elle est très honorée de faire partie du projet. Je suis toujours impressionné quand je me souviens qu'elle a composé les thèmes de personnage de Street Fighter II.

En ce qui concerne le type de musique auquel nous devons nous attendre dans Last Ranker, Yôko Shimomura avait à l'origine envie d'écrire des pistes de style opéra, mais le réalisateur Kazuya Niinou a rejeté l'idée en indiquant qu'il préférait des chansons "qui en jettent" (sic), capables d'accentuer la puissance des combats. En réalité, comme le jeu se concentre en grande partie sur la bataille, Niinou a voulu que les thèmes de combat constituent le point fort de la bande originale.

Un site provisoire a été lancé aujourd'hui, mais il ne propose aucune musique de fond.

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More details about Last Ranker (announced here) have just emerged now that the game is officially on tracks. In a new post on her blog, Yoko Shimomura announced that part of the soundtrack was recorded in Europe. Some sessions took place in Stockholm, or so it seems, with a small orchestra. She also wrote that Hiroyuki "Chopin" Nakayama will be playing the piano. His last collaboration with Shimomura was earlier this year, when he played the piano for the Kingdom Hearts piano collections album. It is the first time in 15 years that Shimomura is working with Capcom on a new game and, as such, she also writes about how honoured she feels to be part of the project. I always feel amazed when I remember she is responsible for the character themes in Street Fighter II.

As for the type of music one should expect in Last Ranker, Yoko Shimomura originally intended to write opera-like tracks, but game director Kazuya Niinou rejected the idea, stating that he was more interested in "awesome sounding" (sic) songs that would enhance the effect of the battles. Actually, most of the game is devoted to fighting, so Niinou wanted the battle themes to be the highlight of the soundtrack.

A teaser website has been launched today, but doesn't feature any BGM.

mardi 15 septembre 2009

Last Ranker : Shimomura est là

Capcom vient tout juste de dévoiler un nouveau RPG pour PSP développé par Image Epoch, Last Ranker. Le jeu, qui n'est pas encore daté, propose une équipe prestigieuse au sein de laquelle on trouve Kazuya Niinou, producteur d'Etrian Odyssey, et le scénariste Kazushige Nojima, connu pour son travail sur Final Fantasy. Bien sûr, pour les mélomanes, la plus grande nouvelle vient du nom de la compositrice : Yôko Shimomura ! Pas encore de site officiel, mais les premières infos sur la bande originale sont prometteuses. Dans une courte interview avec le magazine Famitsu, Shimomura indiqué que l'on entendrait des chansons pendant les scènes de combat. Voilà une pratique à la mode depuis peu, Masashi Hamauzu ayant annoncé que Final Fantasy XIII comportera des thèmes chantés pendant les phases de jeu. Hé bien, Mme Shimomura, pourquoi ne pas faire de même pour Versus XIII ?

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Capcom has just unveiled a new, Image Epoch-developed PSP RPG called Last Ranker. The game, not dated yet, will feature a prestigious team of creators such as Etrian Odyssey producer Kazuya Niinou and scenario writer Kazushige Nojima, of Final Fantasy fame. Of course, for music lovers, the greatest news comes from the name of the composer: Yoko Shimomura! No official website for now, but the first few details about the soundtrack sound quite promising. In a short interview with the Famitsu magazine, Shimomura said the game would feature vocal tracks during battle scenes. This has certainly become quite trendy lately, as Masashi Hamauzu said Final Fantasy XIII would have vocal tracks during gameplay sequences as well. Hey, Shimomura-san, why not try this for Versus XIII as well?

samedi 22 août 2009

Interview : Hiroki Kikuta & Yôko Shimomura

C'est une interview que j'ai pris un plaisir fou à traduire, et qui sans doute vous procurera un plaisir fou à lire. Quand deux des plus grands musiciens de la VGM, tous deux anciens de Square, se retrouvent après plusieurs années chacun de leur côté, cela donne un entretien amical et profondément nostalgique. C'est ainsi que Jeriaska a réussi à réunir Hiroki Kikuta (Secret of Mana, Sôkaigi) et Yôko Shimomura (Legend of Mana, Kingdom Hearts), qui ont beaucoup de choses à se dire, parfois même à s'avouer. A lire absolument :

Le monde magique de Hiroki Kikuta et Yoko Shimomura

jeudi 2 juillet 2009

Critique éclair : 7th Dragon Piano & Strings

Live Music by Piano and Strings: 7th Dragon Super Arrange Version
Musique composée par Yûzô Koshiro, arrangée par Norihiko Hibino, interprétée par Norihiko Hibino, Yuichiro Onuki, Chieko Amano, Minori Yamazaki, Shuji Narikawa, Naoko Sato, Minako Takizawa, Junichi Takagi et Saburo Tanooka. Cliquez ici pour plus d'informations.

Cette collaboration fidèle entre Yûzô Koshiro et Norihiko Hibino fait un bien fou à la VGM depuis quelques mois déjà. Après avoir revisité les musiques d'Etrian Odyssey avec une grâce folle, les deux musiciens remettent ça pour 7th Dragon. La bande originale, signée Koshiro, n'était pas follement intéressante à cause d'un penchant orchestral souvent fade. Mettez tout cela entre les mains de Hibino, dont les talents à l'arrangement ne sont désormais plus à prouver, et vous découvrez des mélodies que vous ne soupçonniez même pas. Les cordes, la flûte, le piano, la guitare, les percussions : cet ensemble enrichi offre une nouvelle unité sonore aux musiques du jeu, et révèle leur potentiel avec une incroyable beauté. La troisième piste s'élance avec un rythme militaire qui aurait pu sembler repoussant dans la bande originale, mais s'envole ensuite vers l'extase pure. Le tango, imparable pour les oreilles en quête de chaleur, est insufflé avec génie dans les thèmes de combat. Un brin de jazz par-ci, des inspirations arabisantes par-là (avec le saxophone de Hibino himself !), et même des touches de bossa nova dans la piste 12, ces mêmes touches qui illuminaient l'album arrangé d'Etrian Odyssey. Et puis, il y a "Jungle Navigation". Elle tombe, impromtue, au milieu de ces mille plaisirs. Dans sa magie contemplative, ce thème déjà fantastique à l'origine devient ici une souffle naturel apaisant. Vraiment, cet album est merveilleux. Prenez-le avec Sanctuary pour partir en vacances. Vous reviendrez... ému.

Appréciation : excellent

Mitsuda colore la lumière

Excusez-moi, monsieur Mitsuda. Vous êtes sûr que vous n'avez pas mieux à faire ? Ou alors est-ce là un moyen de nous faire patienter, en vu de l'album arrangé que tout le monde attend ? Toujours est-il que Procyon Studio est sur le point de publier une compilation de chansons écrites par Yasunori Mitsuda au fil de sa carrière. Colours of Light -Yasunori Mitsuda Vocal Collection- piochera ainsi dans Xenogears et Xenosaga, Chrono Cross, Sailing to the World ou encore Kirite. C'est un gage de qualité, certes, mais le disque ne compte aucune exclusivité en CD (pas même le thème principal de World Destruction, malgré sa rareté). Ceux qui n'y connaissent rien pourront cependant se jeter dessus.


1. Sailing to the World de The Seventh Seal (Sailing to the World).
Interprète : Koko Komine.
2. Promise with Winds ~ Petals' Whereabouts de Kirite.
Interprète : Eri Kawai.
3. Time's Arm de World Destruction.
Interprète : Czech Philharmonic Children's Choir.
4. Pain de Xenosaga Episode I.
Interprète : Joanne Hogg.
5. CREID de Creid (Xenogears).
Interprète : Eimear Quinn.
6. Stairs of Light de Creid (Xenogears).
Interprète : Tetsuko Honma.
7. Kokoro de Xenosaga Episode I.
Interprète : Joanne Hogg.
8. - Ring - de Soma Bringer.
Interprètes : Eri Kawai, Koko Komine et Tamie Hirose.
9. Silver Leica de Ten Plants.
Interprète : Noriko Mitose.
10. STARS OF TEARS de Xenogears.
Interprète : Joanne Hogg.
11. Spring Lullaby de Creid (Xenogears).
Interprète : Tetsuko Honma.
12. SMALL TWO OF PIECES de Xenogears.
Interprète : Joanne Hogg.
13. Reincarnation de The Seventh Seal (Sailing to the World).
Interprète : Koko Komine.
14. The Name of Our Hope de Kirite.
Interprète : Eri Kawai.
15. RADICAL DREAMERS de Chrono Cross.
Interprète : Noriko Mitose.

La sélection n'est pas forcément parfaite : j'aurais personnellement remplacé "Promise with Winds" par "The Azure" du même album, car c'est pour moi la plus fantastique chanson de Kirite, et peut-être la collaboration la plus rayonnante entre Mitsuda et Eri Kawai. Et entre Mitsuda et ses précieux musiciens, qu'il s'agisse d'Akihisa Tsuboy au violon ou de Laurie Sogawa à la flûte. Mais je m'égare.

Colours of Light est annoncé pour le 26 août au Japon au prix de 2940 yens, référence SBPS-0015. J'imagine que VGM World l'aura dans son catalogue d'ici peu. Tout ça en attendant... vous savez quoi...

mercredi 1 juillet 2009

Un été SaGa, 2

Petit complément au précédent article. Entretemps, Square Enix a renouvelé le site officiel du box SaGa, et autant dire qu'ils n'ont pas fait les choses à moitié puisqu'il est possible d'écouter des extraits pour chacune des 509 pistes du coffret. Pour visiter le site, par ici ! La partie "Music List", dans laquelle toutes les pistes sont présentées, est très bien organisée : on peut trier les morceaux par jeu, par type (dans l'ordre : thèmes d'ouverture, de fin, thèmes principaux ou de personnages, chansons / thèmes de combat / thèmes de carte, de cinématiques et de véhicule / jingles et autres) ou par compositeur (Nobuo Uematsu, Kenji Itô, Chihiro Fujioka, Ryuji Sasai et Masashi Hamauzu).


C'est assez méchant pour Tsuyoshi Sekito, qui a a très largement participé à Romancing SaGa -Minstrel Song- et qui n'est pas même crédité pour la piste qu'il a composé, "イスマス城襲撃" (isumasu shiro shûgeki, "l'assaut du château d'Isthmus"). En ce qui concerne la partie "Special" du site, elle ne propose qu'une vidéo promotionnelle pour le coffret, mais devrait accueillir des extraits des interviews qui figureront sur le DVD. On peut d'ailleurs voir chacun des intervenants dans la vidéo, dans l'ordre : Nobuo Uematsu, Kenji Itô, Chihiro Fujioka, Ryuji Sasai, Masashi Hamauzu, Tomomi Kobayashi (illustratrice de la série) et Akitoshi Kawazu (créateur de la série).

Quant à la bande originale du remake DS de SaGa 2, sa date de sortie a finalement été fixée au 9 septembre, soit quelques jours avant le jeu.

dimanche 28 juin 2009

Table ronde : la VGM indépendante

La musique de jeu vidéo, ce n'est pas seulement les grands compositeurs que nous connaissons tous. Tout comme les produits qu'elle renforce ou illustre, cette musique peut être issue de la scène indépendante, auquel cas le public qu'elle touche est réduit, mais toujours passionné. Il arrive parfois que certaines productions indépendantes brisent leurs chaînes pour être largement exposées ; c'était par exemple le cas de l'excellent Flower. Mais les musiciens de cette scène ont souvent des choses intéressantes à dire, au-delà même de leur domaine, et c'est ce que vous allez constater en lisant cette table ronde entre plusieurs de ces artistes :
  • Vincent Diamante est désormais reconnu pour son travail sur Cloud et Flower, les jeux évocateurs de Jenova Chen. Il est actuellement professeur au département média de l'University of Southern California.
  • Chris Schlarb fait partie du groupe I Heart Lung avec lequel il est parti en tournée au début de l'année. Il travaille en ce moment sur Night Game, un jeu WiiWare réalisé par Nicalis.
  • Shaw-Han Liem est à l'origine de la série d'albums I Am Robot and Proud, pour laquelle il était en tournée au Japon à la fin de l'année dernière. Il travaille actuellement sur un projet avec le créateur de jeu vidéo Jonathan Mak (Everyday Shooter).
  • Baiyon est le directeur artistique et musical de PixelJunk Eden et de son extension Encore. Il était invité cette année à la Game Developers Conference de San Francisco pour présenter son travail sur le titre de Q-Games. Il est accompagné de Ryojiro Sato, musicien, à l'interprétation anglais-japonais.
Deux visions du rapport entre le son et l'image sont peu à peu développées lors de la discussion, chacune avec ses propres arguments, toujours pertinents et largement justifiés. C'est long, il faut bien le reconnaître, mais c'est diablement intéressant.

Schlarb, Baiyon, Ryojiro Sato, Shaw-Han et Diamante

Interview réalisée par Jeriaska, traduite du japonais par Ryojiro Sato, de l'anglais par Jérémie Kermarrec. Le texte est disponible en anglais sur GameSetWatch et en italien sur Gamesource.it et en japonais sur GAME Watch.

GameSetWatch : Pour commencer cette discussion sur la rencontre entre la musique indépendante et le jeu vidéo indépendant, j'ai une question. Je voudrais savoir si vous avez en tête des exemples, dans l'histoire du jeu vidéo, de jeux innovants où le gameplay permettait de réaliser des improvisions musicales.

Vincent Diamante : Je me souviens de ce jeu, Ballblazer. C'était de Lucasfilm, quand ils ne s'étaient pas encore renommé LucasArts, au milieu des années 80. C'était un jeu de sport à la première personne, et quand on jouait, un solo de jazz était généré. A l'époque, certains tests disaient que la bande originale ressemblait à du John Coltrane poussé dans ses derniers retranchements. Il était sorti sur PC et sur Nintendo. Je me souviens d'y avoir joué à l'époque, quand j'étais jeune étudiant en musique. Je me disais, "cette musique est vraiment différente". C'était magique.

Chris Schlarb : Ballblazer ? Il faut que j'y jette un œil.

GSW : Chris, dans votre interview au sujet de Night Game, vous citiez la spontanéité de PaRappa the Rapper. Pour vous, c'était la première fois qu'il était possible d'improviser ou de faire des riffs dans un jeu ?

Schlarb : PaRappa était le premier jeu à m'avoir donné cette impression merveilleuse. J'en parlais parce j'étais très impatient à l'idée de voir le créateur de PaRappa à la remise des prix hier soir. Dans PaRappa, on peut quasiment faire ce qu'on veut. On peut ajouter du rythme pour jouer en polyrythmie.

Shaw-Han : C'était possible à n'importe quel moment du jeu ?

Schlarb : Oui, parce qu'il ne suffisait pas de jouer le rythme. Tu pouvais aussi diviser le rythme en plusieurs parties, et l'environnement du jeu changeait en temps réel.

Je me souviens d'une fois, je faisais le niveau avec Maître Oignon, et ça commençait à m'agacer. Soudain, le plafond s'est effondré et PaRappa arrivait dans le ciel ! Ça ne m'était jamais arrivé avant. J'avais l'impression qu'il se passait quelque chose de totalement inédit. C'était absolument génial.

La plupart des jeux sont trop linéaires quand il s'agit de composition. Moi, je ne viens pas du jeu vidéo à l'origine, alors quand je compose, je pense plutôt à des choses modernes comme les travaux d'Eno, Reich ou Cage, et je ne m'inspire pas nécessairement des autres jeux.

GSW : Baiyon, avez-vous déjà écouté les musiques de toutes les personnes ici réunies ?

Baiyon : J'ai joué à Flower. J'ai déjà parlé avec Shaw-Han sur MySpace, mais je ne connaissais pas Chris.

GSW : Chris a composé les musiques de Night Game, un nouveau jeu WiiWare. Toutes les pistes sont acoustiques, et elles ne tournent jamais en boucle. Il y a plusieurs morceaux pour chaque monde, certaines font 30 secondes, d'autres durent plusieurs minutes. Entre elles, il y a des silences à la durée aléatoire.

Schlarb : Tu as vu les illustrations de Night Game ? Elles s'inspirent des ombres chinoises.

Baiyon : Ah, oui, je les ai vues.

Chris Schlarb

GSW : Que pensez-vous du fait d'ajouter du contenu à vos jeux ? Si par exemple on vous disait : "Nous voulons plus de niveaux dans Night Game".

Schlarb : Ça m'est arrivé. Quand j'ai commencé à travailler sur Night Game, il devait y avoir dix minutes de musique. Il y avait deux mondes, ce qui faisait cinq minutes par monde. Au départ, c'était un jeu gratuit, car Nifflas en a fait plein par le passé. Mais cette chose qui devait être simple à l'origine est plus tard devenue un jeu WiiWare. Le volume a donc augmenté, et comme je l'ai expliqué, la chose la plus difficile était que j'avais déjà travaillé sur le petit jeu, et que je ne m'étais donné aucune limite dans les instruments. C'est devenu très difficile par la suite. Si je m'étais limité à une palette de cinq ou six instruments, alors le reste serait passé comme une lettre à la poste.

Le projet étant plus gros, les possibilités étaient plus nombreuses. Je pouvais faire ce que je voulais, et mon imagination était encouragée par les visuels, qui changeaient à chaque monde. C'était difficile car je devais apporter de nouveaux instruments, comme le trombone, le marimba, la mandoline, l'euphonium... Il y en avait de plus en plus. J'ai évité d'utiliser des cordes, cela dit. Il y avait juste une contrebasse. Le plus difficile était de savoir quand m'arrêter, parce que je suis passé de dix à cinquante minutes de musique. Cela m'a bien pris huit mois, dans mon temps libre.

Maintenant, je sais donner des limites à l'orchestration : je peux composer pour un ensemble de musique de chambre. Sinon, jusqu'où peut-on aller ? Les limites sont parfois une bonne chose. Tu définis d'abord un groupe d'instruments, puis tu laisses ton esprit travailler sous cette contrainte. Au départ, je croyais qu'il y avait vraiment que deux possibilités avec la musique de jeu, à savoir soit le son rétro 8-bit, soit des trucs de style orchestral.

Diamante : Mais tu sais, la musique 8-bit, ça me fait penser à la fusion jazz-rock japonaise. La musique 8-bit, que le musicien le sache ou non, ça nous ramène jusqu'à des groupes tels que Casiopea ou T-Square.

Schlarb : En effet. Je crois que, dans ma tête, je me voyais mal correspondre à l'un de ces styles. Je ne sais pas programmer. Je pense plutôt que je suis bon pour la texture, pour l'écriture d'arrangements pour ensemble, pour utiliser les instruments et les musiciens là où il le faut.

Avec Night Game, je pensais que le jeu devait pouvoir respirer. Dans la plupart des jeux, il y a du son, des effets visuels partout et tout le temps. Dans Night Game, il n'y a pas de temps limite, alors je voulais créer une sorte de flux et de reflux. La musique viendrait, puis s'en irait, pour être remplacée par les bruits d'ambiance. La musique reviendrait alors, donnant un coup de fouet subliminal au joueur. Il ne remarquerait pas que la musique a disparue, disons plutôt qu'il le sentirait au lieu de l'entendre.

Diamante : Dans Flower, la musique fait très jeu vidéo, et elle est continue. Dans le niveau cinq, il y a des pauses d'une ou plusieurs minutes dans l'accompagnement musical.

Baiyon : Oui, et c'est très intéressant.

Vincent Diamante

GSW : Vincent, comment réagiriez-vous si l'on devait faire une suite ou ajouter du contenu à télécharger pour Flower ?

Diamante : Flower possède sa propre histoire, et pour moi elle est terminée. Cela pourrait être une nouvelle saga, j'imagine. Moi, ça m'irait. Mais s'ils devaient faire des niveaux en plus entre ceux qui existent déjà, ça ne conviendrait pas, à mon avis. La progression de la musique dans l'histoire est déjà définie. Il me faudrait réfléchir très longuement si je devais écrire une nouvelle partition pour ce contenu glissé au milieu de la progression déjà établie.

GSW : Vous n'avez jamais considéré que la musique de Flower était la continuation de celle de Cloud, votre précédent projet pour thatgamecompany ?

Diamante : Certains éléments de Cloud, comme les illustrations de Jenova, montraient déjà des fleurs. Cela m'a bien sûr inspiré, mais je n'y pensais pas directement. Les thématiques que j'ai établi ont beaucoup de choses en commun. Cloud se suffit à lui-même, notamment au sujet de la construction de la musique et de son orchestration.

GSW : Aujourd'hui, Vincent et moi sommes allés à la conférence de Hitoshi Sakimoto, à la Game Developers Conference. Comme vous le savez, c'est l'un des compositeurs de RPG les plus connus au Japon. Après la discussion, Vincent est allé se présenter et lui a dit, la voix basse, "je viens d'écrire ma propre bande originale pour un jeu console, Flower". Les yeux de Sakimoto se sont illuminés. Il a répondu : "Flowery ? Vous voulez dire Flowery ? J'y ai joué !"

C'est un bon exemple pour prouver que généralement, les musiciens indépendants de jeu vidéo ne se rendent pas compte du degré de reconnaissance de leur travail.

Diamante : Oui, j'étais très surpris.

Schlarb : C'est génial. Ecrire de la musique pour ces jeux, c'est un processus à la fois long et isolé. Ce genre de reconnaissance est vraiment précieux. J'ai travaillé sur Night Game pendant un an sans que personne n'en entende parler. Je ne recevais aucune réaction.

Diamante : Et ce sont des jeux qui rendent beaucoup de gens curieux. Quand j'ai vu Night Game pour la première fois, j'ai voulu en savoir plus. Autant chez les consommateurs que ceux qui travaillent sur des jeux depuis longtemps, il y a certaines personnes qui s'intéressent vraiment aux musiciens qui cherchent à briser les barrières, à changer les choses.

GSW : Dans la musique de Flower, il y a plusieurs couches, qui se superposent ou disparaissent selon ce qu'il se passe à l'écran. C'est une technique efficace en terme d'émotions. La musique répond subtilement aux actions du joueur.

Baiyon : En tant que musicien, je pense que la musique s'auto-suffit. Contrairement à la composition pour un jeu, j'aime donner à la musique sa propre personnalité. L'interactivité peut limiter les possibilités musicales.

Schlarb : Je te comprends ce que tu veux dire. Mais je pense que dans Flower, c'est quelque chose d'intéressant. La musique répond au joueur, alors que dans Night Game, c'est le joueur qui répond à la musique. Ces deux idées m'intéressent tout autant.


Baiyon : Les jeux musicaux permettent presque au joueur de composer réellement. Je trouve cela intéressant, mais si tu peux créer d'une certaine manière de la musique dans le jeu, ça n'est pas vraiment différent de si tu as vraiment composé la musique. En tant qu'artiste, il est plus satisfaisant de faire de la musique en dehors d'un jeu. Quelle différence cela fait-il avec une bande originale déjà créée ?

Diamante : Chacune a sa propre valeur, je pense. Quand on se concentre uniquement sur l'interprétation, que ce soit un joueur qui joue ou de vrais musiciens en train de faire de la musique, cela peut dépasser toutes sortes de possibilités. Fut un temps, tout le monde avait un piano chez soi. Les gens achetaient des partitions de chansons populaires pour les jouer eux-mêmes. Le résultat ? Il dépendait du pianiste, du chanteur et de s'ils étaient doués ou non. Ils ont peut-être des instructions, mais la musique qu'ils produisent est bien la leur. Si je l'écoutais, je pourrais penser que ce n'est pas joué comme il le faut, mais que ce n'est pas grave, tant que c'est leur musique. C'est la même chose avec le jeu vidéo, il appartient plus au joueur qu'au développeur.

Baiyon : Je pense qu'il existe une interaction entre la musique du compositeur et l'expérience vécue par le joueur. Cela ne se limite pas seulement à appuyer sur un bouton ou entendre un son. Je suis persuadé qu'on peut donner au joueur une meilleure structure dans la musique. Cela dit, j'ai vraiment adoré jouer à Flower.

Shaw-Han : Pour moi, il n'existe pas de musique qui ne soit pas interactive. La musique est toujours interactive. Comme pour n'importe quelle discussion, comme il s'agit de moyen de communication, il y a le son qui arrive dans tes oreilles, puis il y a ce qu'il se passe dans ton cerveau quand tu entends ce son. Chaque personne aura une réaction chimique différente ou je ne sais quoi dans sa tête pour agrémenter cette expérience.

Schlarb : C'est intéressant, parce que les deux approches se justifient. Les deux m'intéressent. Avec Night Game, je voulais plutôt créer un environnement que le joueur ne peut pas modifier. Que ce soit dans le style visuel ou dans les énigmes, tout est très structuré. L'ordre dans lequel les morceaux sont joués est aléatoire, tout comme la présence des silences. C'est au joueur de réagir à tout cela. C'est en cela que le jeu n'adapte pas aux réactions du joueur.

Je trouve que l'approche choisie par Baiyon, où la musique est séparée du jeu, est vraiment intéressante. D'un autre côté, Vincent a choisi de traiter le jeu et la musique comme une entité unique. Mais j'aime vraiment chacune de ces idées. Sera-t-il possible, à l'avenir, de combiner les deux pour que les jeux semblent vivants, tout en imposant leurs environnements ou leurs ambiances ?

Shaw-Han : Je pense que c'est important, peu importe l'endroit du spectre où l'on se situe. Quand je fais de la musique sur CD, c'est la mienne, c'est moi qui commande. Si j'écris de la musique pour un jeu, l'idée est qu'elle doit soutenir la mécanique de jeu. Si cette dernière vous demande d'explorer un monde aux possibilités infinies à chaque instant, alors l'idée de faire une bande originale qui change selon vos décisions peut aider à soutenir l'impression générale du jeu. Mais si c'est un jeu dans lequel il faut se battre contre le reste du monde, alors une musique plus rigide se justifie. La musique est une représentation du système de jeu. Je trouve cela intéressant de jouer avec cette relation entre les deux.

Baiyon : J'ai aussi travaillé sur la partie visuelle du jeu. Pour moi, musique et jeu ne faisaient qu'un. Je laissais simplement mon inspiration me mener là où elle devait aller.

Schlarb : Quand tu es artiste, c'est très facile à faire. Tu es la source de tout.

Baiyon : Comme vous faites tous de la musique, vous me comprenez sans doute. Quand c'est difficile, cela devient moins intéressant car ce n'est plus très amusant. Avec ce type de processus, il faut que l'on possède certaines facilités et que l'on ait confiance dans son travail.

Baiyon

GSW : Avez-vous éprouvé des difficultés avec PixelJunk Eden ?

Baiyon : Pas du tout. J'ai écrit la musique à ma façon, et je n'ai jamais pensé qu'il fallait la changer en cours de développement. La seule chose qui m'a posé problème, c'étaient les effets sonores. Avec ma musique, je cherche toujours à donner du plaisir aux gens, mais souvent, dans les jeux vidéo, les effets sonores détournent l'attention. Faire des explosions pour forcer le joueur à se dépêcher, c'était vraiment nouveau pour moi. Techniquement, je ne sais pas si l'on peut parler de "musique de jeu vidéo". A mon avis, ce genre n'existe pas.

GSW : Alors comment décririez-vous la techno minimaliste que vous avez utilisé dans PixelJunk Eden ?

Baiyon : Disons du 120 à 130 battements par minute.

*rires*

GSW : Dans PixelJunk Eden, existe-t-il des références spécifiques entre la musique et le style visuel ?

Baiyon : Cela peut sembler confus, mais ce jeu m'a aidé à réunir mes recherches artistiques et musicales. Mon but n'était pas nécessairement de faire que la musique s'adapte à l'image. C'est juste venu naturellement. Le but était d'offrir aux joueurs des expériences nouvelles au fil de la partie.

Shaw-Han : Tu as commencé par les visuels ou par la musique ?

Baiyon : J'ai fait les deux en même temps. En fait, je les faisais tout en parlant au téléphone, et j'utilisais l'autre oreille pour écouter la musique de quelqu'un d'autre.

*rires*

Baiyon : C'est une triste constatation, mais quand on compose sa propre musique, on ne peut pas écouter d'autres musiques en même temps car on n'a que deux oreilles. J'étais surpris quand je m'en suis rendu compte. Avec l'art visuel, on peut regarder une image et écrire en même temps. C'est un processus quasi simultané. Par contre, ce type d'expérience n'existe pas avec la musique. L'ouïe n'équivaut pas la vue.

Diamante : Moi, je vois la musique de jeu vidéo de deux façons. La musique de jeu vidéo existe, bien sûr, mais quand j'étais à l'université, j'ai beaucoup travaillé sur ce domaine qu'on appelle "game music", dans lequel les orchestres, au lieu d'avoir des partitions, reçoivent des instructions. Sur la feuille du clarinettiste, il serait écrit, par exemple : joue ce motif si tu entends le violoniste faire quelque chose sur cette note.

Quand je compose ma musique, j'essaie de personnifier la PlayStation ou l'ordinateur. J'imagine que dans la machine, il y a des musiciens, et je veux qu'ils apprécient autant la musique que moi. Je me sens lié à la technologie, je veux qu'elle aime ce que je lui donne à faire.

Je suis toujours attentionné envers l'interprète, et parfois cet interprète est la PlayStation. Je peux décider de me forcer à faire des choses précises, ou forcer un musicien ou un ami, alors je ne peux pas composer sans garder l'interprète en tête, peu importe qui est cet interprète.

Schlarb : Est-ce que vous avez joué à Bloom, sur iPhone ? J'ai des enfants de sept et onze ans, et je les laisse y jouer quand je les conduis quelque part. Et ils y jouent pendant... une heure. Ils trouvent des choses vraiment intéressantes, auxquelles je n'aurais pas pensé moi-même.

Shaw-Han Liem

GSW : Shaw-Han, comment votre expérience de programmeur transparaît-elle dans les albums I Am Robot and Proud ?

Shaw-Han : Eh bien, j'ai passé mes années de lycées dans des groupes punk. Je suis ensuite allé à l'université, j'ai appris à utiliser des ordinateurs, et les deux se sont un peu chevauchés. J'imagine que pour tout le monde ici, l'ordinateur est le meilleur outil de composition dont ils disposent. Ça a été inventé pour avaler des chiffres, et c'est devenu une interface musicale géniale, pas vrai ?

GSW : J'imagine que vous et Baiyon devez vous produire dans les mêmes clubs de Kyoto. Vous vous souvenez de l'endroit où vous avez joué pendant votre tournée Uphill City ?

Shaw-Han : Je ne m'en souviens pas. C'était un peu comme le Metro...

Baiyon : Le Club Metro ?

Shaw-Han : Voilà.

Baiyon : Je m'y produis une fois par mois. Nous nous sommes rencontrés là-bas, mais tu ne t'en souviens peut-être pas. Je t'ai rencontré grâce à un ami, au bar, après ta partie. Tu avais l'air épuisé. Je t'ai demandé "tu es fatigué ?" et tu m'as répondu "oui".

Shaw-Han : Je crois que je suis passé à 4 heures du matin. C'était de la folie.

GSW : Shaw-Han réalise lui-même la partie visuelle de ses concerts. Pouvez-vous nous expliquer plus en détails votre travail ?

Shaw-Han : Pour la partie visuelle de mes concerts, j'ai besoin d'un MIDI translator. Tous ceux qui jouent d'un instrument dépendent d'un utilitaire MIDI, puis un ordinateur reprend toutes ces informations pour les retranscrire. J'utilise un traitement de données, qui me permet en fait de reproduire la rapidité de mon jeu sur le clavier.

Schlarb : C'est toi qui génère toutes ces données...

Shaw-Han : Voilà. Tous ceux qui sont sur scène, par exemple le batteur, génèrent des données. Mon idée est que cela fait un moment que je joue de la musique en concert, et que j'ai toujours trouvé qu'il y a une chose : quand vous regardez un type jouer de la guitare, il y a une très forte connexion visuelle et physique avec le public. On le voit jouer avec son bras, puis on entend le son qui sort des hauts-parleurs.

Schlarb : C'est la réaction de cause à effet.

Shaw-Han : Oui, et avec un concert électronique, on n'a pas toujours ce type de connexion. Je joue du clavier, mais je ne bouge pas beaucoup. Mon idée est d'introduire un élément capable de créer cette connexion visuelle. C'est un peu le principe de cause à effet, mais à l'envers. Avec la guitare, c'est ce qu'on voit qui provoque le son.

GSW : Baiyon, qu'avez-vous pensé après avoir terminé PixelJunk Eden et que vous avez appris qu'il y aurait de nouveaux niveaux dans l'extension Encore ?

Baiyon : Après la sortie de PixelJunk Eden, j'ai mieux compris ce dont les programmeurs sont capables. Pour Encore, la réflexion derrière la musique n'a pas vraiment changé, mais en ce qui concerne la partie visuelle, j'ai pu donner plus de détails aux programmeurs. Des petites choses, comme par exemple faire briller une plante quand on saute dessus. Les détails sont plus précis.


GSW : Travailler en équipe, qu'est-ce que cela change, par rapport au travail seul ?

Baiyon : Bien sûr, comme c'est du travail en équipe, il faut savoir communiquer avec les autres. Avant la production de PixelJunk Eden, je dessinais et je faisais de la musique. Quand on est un artiste solo, on se concentre sur le contrôle que l'on a du médium artistique. Mais j'ai trouvé que c'était trop ennuyeux, parce que cet exercice était trop facile à maîtriser.

C'est pour ça que j'ai voulu dépasser mes limites. Un jour, je suis allé dans une boutique de matériel d'art, j'ai fermé les yeux, et j'ai choisi des couleurs au hasard. Même si au final je n'avais choisi que du vert, j'ai pris ces couleurs pour peindre une fois chez moi. Cela a ajouté une note d'imprévu dans mon travail.

Mais c'est devenu ennuyeux. A l'époque j'étais encore étudiant, et ce que je faisais, c'est que quand quelqu'un allait jeter ses couleurs à la poubelle, je demandais si je pouvais les avoir. Si un étudiant qui avait finit une peinture laissait derrière lui de la gouache qu'il n'avait pas utilisé, je m'en servais pour mon propre travail.

Schlarb : On en revient à tes limites et, d'une certaine manière, jusqu'à quel point elles peuvent t'inspirer.

Shaw-Han : Je pense que plus vite on sait se servir d'un outil, plus tôt on commence à devenir créatif. Si l'outil est plus facile, il est plus rapide d'arriver au moment où l'on a tout essayé, et où il faut commencer à faire marcher son cerveau. Avant, on se demande "comment est-ce que je peux faire ça ?" Une fois ce cap franchi, c'est plutôt "bon, qu'est-ce que je veux faire ?"

Baiyon : Recevoir des réactions de la part des joueurs, c'est une expérience inédite pour moi. Chacun des joueurs a un sentiment unique quand il est devant ce jeu. J'ai pu constater de mes propres yeux la différence entre la façon dont j'imaginais qu'ils allaient jouer, et la réaction des testeurs quand ils découvraient le jeu pour la première fois. Ces testeurs avaient une impression différente de celle que je voulais leur offrir. C'était une expérience très intéressante.

Diamante : Ces réactions t'ont-elles fait changer d'avis ? Est-ce que tu as fait table rase et cherché à faire quelque chose de totalement nouveau, ou tu as simplement apporté quelques modifications çà et là ?

Baiyon : Lorsque les testeurs ont joué pour la première fois, ils ont dit que les plantes n'avaient pas l'air en vie. Ils avaient raison, alors j'en ai parlé aux programmeurs, pour voir s'il était possible de changer la forme et la couleur des plantes.

Schlarb : Il t'est arrivé la même chose, Vincent ?

Diamante : Oui, j'ai reçu des réactions de la part des joueurs et des programmeurs. Je ne pouvais pas changer ma musique. Quand je termine un morceau, je crois vraiment en son potentiel. S'ils cherchent quelque chose d'autre, je ne touche à rien, je leur donne tout simplement une toute nouvelle musique.

Baiyon : Je crois qu'il y a un lien très fort entre la musique et la technologie. De nos jours, tout le monde a son propre studio à la maison, et peut donc faire de la musique. Mais en réalité, ceux qui font vraiment de la musique sont rares.

Schlarb : Il faut pouvoir exprimer son univers.

Baiyon : Par exemple, quand tu choisis des samples de saxophone, c'est beaucoup plus excitant si tu sais comment jouer de cet instrument. Faire de la musique devient alors quelque chose de très intense.

Schlarb : Ce n'est que quand tu as atteint le niveau où tu es capable de créer facilement un moyen d'expression avec les instruments virtuels que tu peux commencer à faire quelque chose de véritablement personnel.

Baiyon : Je crois que cela devient dangereux, quand tu trouves un outil informatique tellement pratique que tu ne cherches même plus à explorer d'autres possibilités. L'important ne vient pas forcément de la technologie, ou de telle ou telle méthode de composition.

Schlarb : A mon avis, ce danger existe avec chaque instrument. N'importe qui peut prendre une guitare et jouer n'importe quoi, ou bien faire quelque chose qui n'a absolument aucune saveur avec un tenori-on.

Diamante : Enfant, je me disais que quand je serai grand, il y aurait beaucoup de personnes faisant de la musique. En fait, de nos jours, ils font surtout des blogs ou des vidéos pour YouTube. C'est assez surprenant, parce que faire des vidéos demande une technologie plus complexe.


Schlarb : Il est intéressant de constater que les gens sont plus intéressés par la compréhension et l'utilisation de la technologie que par l'envie d'en repousser les limites. Sur Internet, il y a énormément de choses inutiles. Les bloggeurs racontent ce qui leur passe par la tête, mais ne cherchent pas à devenir le nouveau Hemingway. La prolifération de la technologie semble encourager l'arrivée de ces contenus inutiles.

Shaw-Han : On dirait bien qu'il y a deux façons de voir les choses. Il y a ceux qui ont eu la chance de trouver une chose pour laquelle ils sont prêts à se dépenser sans compter, que ce soit pour le dessin ou la musique, ou autre chose. Ce que tu fais ne sera peut-être pas la meilleure musique du monde. Vous voyez ce que je veux dire ? Mais faire un morceau vraiment nul, c'est mieux que de toute ta vie te dire "je ne pourrais jamais faire ça".

Le nombre de choses inutiles par rapport aux choses intéressantes est bien sûr élevé, mais c'est une question de choix : soit on passe sa vie à penser que la musique, ce sont les autres qui la font, et qu'on va se contenter d'une coupe de cheveux ou de vêtements cool, soit on se décide à prendre la manette en pensant "hé, je peux faire de la musique..."

Je trouve qu'il y a quelque chose de remarquable dans ce type d'instant, quand on comprend que faire de l'art, ça n'appartient pas qu'aux autres.

Schlarb : Je suis bien d'accord avec toi.

Baiyon : Les limites qu'on s'impose peuvent être source d'inspiration. Après toutes ces expériences, je me suis rendu compte que j'aimais les choses aléatoires dans mon travail. Pour moi, l'important, c'est de pouvoir être fier de ma musique au final.

Shaw-Han : Je pense que, surtout avec la musique électronique, il faudrait y songer plus que ça. Avec un instrument acoustique, le côté aléatoire vient du contact physique avec l'objet.

Schlarb : Voilà. La façon dont tu règles ton instrument...

Shaw-Han : Quelle est la longueur de tes ongles quand tu joues de la guitare ? C'est cet aspect aléatoire qui donne de la physicalité au jeu. Avec des outils électroniques, c'est parfois tellement stérile. Quand tu charges ta chanson aujourd'hui, c'est exactement la même que si tu l'avais chargée hier. Les paramètres audio sont exactement les mêmes. Introduire ce côté aléatoire vient du fait que parfois, on aimerait entendre quelques erreurs. Après tout, l'erreur est humaine.

Baiyon : Se sentir soi-même en jouant de la guitare, moi, c'est une idée qui ne me dit rien. Je te force à me regarder en train de jouer, alors que ça ne devrait pas forcément se passer comme ça. Avec la musique électronique, tu peux te détacher des éléments visuels qui ne sont pas nécessaires à la musique.

Schlarb : Mais cela enlève ce qu'il y a de toi dans la musique.

Baiyon : Avec la peinture, je me demande toujours si j'ai vraiment besoin de toutes ces couches, toutes ces lignes. Si tu utilises un ordinateur, tu peux outrepasser beaucoup des difficultés de la peinture à l'huile. Je me demande juste si c'est vraiment nécessaire, s'il y a pas une solution plus efficace. Si tu fais une erreur sur ton ordinateur, tu peux simplement revenir en arrière. Tu ne gardes que ce dont tu as vraiment besoin.

Diamante : Je dirais que la peinture est en trois dimensions. Il lui faut une certaine densité, parce que c'est à partir de là qu'on lui donne du sens. Le peintre peut faire ce qu'il veut, mais je comprends vraiment les peintres qui acceptent que le sens que l'on donne à leur peinture n'est pas nécessairement celui qu'ils voulaient donner. Il peut se passer des choses pendant la création, et cette création est belle, d'une certaine manière. Le résultat est cette chose que le peintre a extrait de lui-même, et qui dépasse l'humanité. L'illustration restera longtemps après sa mort.

Schlarb : Quand on pense à quelqu'un comme Pollock, tout ce qu'il faisait était basé sur la physicalité. Lui-même n'aurait pas pu comprendre la profondeur et la complexité de son travail. Il y a un parallèle intéressant à faire avec le fait qu'un tel caractère aléatoire peut être simulé par une machine, alors même qu'elle ne possède pas la pensée humaine. Par équivalence, le monde électronique a cette part de propreté, et le monde physique, de désordre.


Shaw-Han : Ce que nous disons là revient à ce spectre de possibilités dont nous parlions plutôt. Dans le jeu vidéo, le fait est qu'on peut choisir si le joueur a une emprise ou non sur les choses. Parfois, cela peut se révéler intéressant de ne pas pouvoir contrôler quelqu'un, de simplement se retrouver au milieu d'un événement. Parfois, c'est vraiment super quand la chose que tu tiens dans ta main réagit à ce que tu fais.

En tant que personnes qui réalisent ces expériences, à certains moments nous pensons : "je veux que ce soit ma chanson". Sur le projet suivent, nous pouvons nous intéresser plutôt, par exemple, à la collaboration avec le joueur sur une chanson. Selon l'intention recherchée, nous pouvons nous déplacer sur ce spectre de possibilités.

Schlarb : Cette idée de "contrôle", selon moi, est extrêmement abstraite. J'en reviens à l'art visuel, parce que je pense à Mark Rothko. Ses peintures sont vraiment énormes. Si j'ai bien compris, il a fait ça pour donner l'impression à celui qui les regarde qu'il ne peut pas les contrôler. Une personne devant ces peintures se doit donc se rester humble. Je pense que nous reproduisons ce rapport dans l'interaction entre les gens et la musique. Soit nous dictons une conduite particulière, soit nous laissons le joueur contrôler ce que nous avons créé.

Shaw-Han : Oui, par exemple dans Guitar Hero, la musique est ton ennemie. Le but, on peut dire, est de la vaincre. Dans Flower, ton comportement et la musique fusionnent. Peu importe dans quelle partie du spectre de possibilités tu te places, cela s'exprime toujours dans ces décisions.

Baiyon : Je suis persuadé que des ordinateurs ne peuvent pas imiter mon travail. Je ne veux pas dire qu'il est complexe, mais plutôt qu'un ordinateur ne saurait décider quelle couleur ou quel trait convient le mieux selon moi. Quand tu regardes une peinture, tu ressens simplement quelque chose, peu importe qui l'a réalisée.

Shaw-Han : Pour moi, cette idée de physicalité dans la musique et de pourquoi c'est stimulant est liée au risque. Il y a toujours la possibilité que ce soit nul. Quand tu vois cinq musiciens en concert, tu te dis qu'à n'importe quel moment, tout peut se casser la figure. Ce risque rend les choses intéressantes. Ces cinq musiciens ont peut-être joué la même chose la nuit dernière, mais tu sais très bien que ça ne peut pas être exactement la même chose.

Baiyon : Le manque total de contrôle peut être intéressant, mais alors tout le monde tente le contrôler. Une fois qu'on a atteint ce contrôle, il y a toujours le besoin de passer à autre chose, quelque chose de nouveau.

[Images : Nicalis, Q-Games, Darla Records, Sony Computer Entertainment. Photos : Jeriaska.]