dimanche 24 juin 2007

Vielen Dank

En intitulant son album "solo" Vielen Dank (autrement dit, "merci beaucoup" en allemand), Masashi Hamauzu a bien sûr cherché à remercier ceux qui aiment sa musique. Quelques semaines avant la sortie du CD, lors d'une rencontre lors du salon Square Enix Party, il a pu mesurer l'intérêt que lui portent ses fans japonais, qui sont assez courageux pour, par exemple, retenir les titres en allemand des pistes de SaGa Frontier 2. Les voilà qui doivent en apprendre de nouveaux, Vielen Dank jouant encore une fois la carte de la langue du pays où Hamauzu a vu le jour.


26 morceaux, 13 totalement inédits et 13 reprises de ses compositions pour les jeux Square : un tel menu, ça ne se refuse pas. Pas quand on est fan de Hamauzu, en tout cas. On ne peut pas dire qu'il publie très souvent de nouveaux albums, le prochain étant sans doute la bande originale de Final Fantasy XIII. Et un album "solo", c'est encore plus rare, et pour cause : c'est le premier. On savait déjà que Hamauzu compose des petites pièces au piano dans ses temps libres, mais les entendre n'était jusqu'à présent qu'un rêve. Vielen Dank nous permet enfin d'entrer dans le jardin secret du génie, qui se libère alors totalement de l'imagerie du jeu vidéo pour laisser filer son imagination. Une imagination étrangement... jardinière.

Im Abenteurgarten

"Dans le jardin de l'aventure", si vous préférez, désigne les 11 premières pistes de l'album. Ecrites par Hamauzu dans son jardin, elles désignent effectivement divers éléments d'un jardin : une cour d'hiver ("Winterhof"), diverses fleurs et plantes ("Maiglöckchen", muguet ; "
Feuerdorn", buisson ardent ; "Die Ranke", la plante grimpante), un jouet d'enfant laissé là ("Kinderspiel"), une tente plantée dans l'herbe ("Das Zelt im Garten"), un vieux mur sans doute couvert de verdure ("Die alte Hausmauer")... Un petit coin de fraîcheur et de simplicité qu'on aimerait toujours partager avec les gens qu'on apprécie. Hamauzu reproduit cette impression grâce au piano, son instrument de prédilection, même s'il admet ne pas en jouer très bien. Pas de problème, sa bonne amie Naoko Endo est au clavier.

Même s'il s'agit de solo, difficile de ne pas avoir en tête ce merveilleux disque qu'est le Piano Pieces de SaGa Frontier 2. Les pistes les plus douces auraient pu trouver leur place dans Vielen Dank. Dans la série Im Abenteurgarten, la contemplation est clairement à l'honneur, avec quelques touches d'un entrain agréable ("Das Zelt im Garten" et "Kaki"), d'autres un peu sèches mais pondérées par des ajouts plus doux ("Die alte Hausmauer"). Par moment, le piano se glisse même dans l'antre de la mélancolie, un doux sentiment qui anime "Wäldchen" et "Die Ranke", notamment, mais la tonalité de l'album est majoritairement optimiste, un peu insouciante peut-être. Même le morceau d'adieu, "Abschiedsküsschen", demeure paisible, voire jovial.


La fraîcheur du piano, même si elle n'a rien de particulièrement audacieuse, conduit à des passages cristallins reposants (vers le milieu de "Kaki"), ou bien à des moments planants (au début de "Kinderspiel"), voire à des incursions un peu espiègles (à travers "Maiglöckchen" et "Kleine Teestunde"). Le jardin de Hamauzu est calme, un peu frais et humide mais nuancé par la beauté des plantes qui y poussent. Il y a, çà et là, les traces d'un enfant qui serait venu y jouer, et qu'on contemple en appréciant une tasse de thé. C'est un coin sympathique, je pense.

Videospiel

Les reprises de jeu vidéo sont bien entendu un peu différentes, car le fan de Hamauzu les connaît déjà et ne fait que redécouvrir des airs familiers. L'imaginaire en question est donc différent. Les premiers arrangements, de la piste 12 à la 16, proviennent de Musashi: Samurai Legend, une bande originale réussie à l'origine (sans mauvais jeu de mot), mais qui n'avait bien sûr pas connu d'arrangement. Les reprises sont uniquement au piano, ce qui perpétue encore davantage l'impression d'écouter le Piano Pieces de SaGa Frontier 2. Une impression agréable. Certaines pistes, comme "Stummer Dialog", sont véritablement une réminiscence de cet excellent album. Ici, Hamauzu est bien sûr plus mélodique, et ne s'évade pas vraiment de sa source. Ce qui donne néanmoins matière à être heureux : de ce côté-là, "Aquas Erinnerung" est un petit bonheur.

SaGa Frontier 2, les fondations du Hamauzu libéré que nous connaissons aujourd'hui, ne pouvait pas manquer le rendez-vous. Le compositeur a avoué avoir pris beaucoup de plaisir à arranger une nouvelle fois les musiques magistrales de ce jeu. Ainsi retrouve-t-on la magique "Zufall" et la brillante "Botschaft" (autrement dit, "Rosencrantz") dans une nouvelle robe piano qui ne les différencie guère des Piano Pieces mais qui leur sied toujours avec autant de grâce. "Interludium" apporte un vent de fraîcheur à l'album en osant la présence d'un nouvel instrument. La flûte lui donne alors un ton envolé, un souffle qui se démarque du raffinement du piano. Mais ce n'est qu'une mise en bouche : "Feldschlacht V", arrangement de la mélodie qui court dans les thèmes de combat du jeu, y ajoute le quatuor à corde. Nulle question de combat, puisque cette reprise est avant tout douce, bercée par le piano, transportée par la chaleur du violoncelle, de la contrebasse, et par les accents magiques du violon. Sans audace, mais avec majesté.


La simple présence de cette piste avait ravi beaucoup de fans : "Jenseits der Finsternis", autrement dit le thème de la grotte d'Oméga dans Final Fantasy X. Déjà preuve de génie à l'origine, elle est bonifiée dans Vielen Dank. En vérité, c'est à se demander si ce n'est pas comme ça que Hamauzu l'avait voulue, mais les contraintes de la bande originale lui auraient empêché de concrétiser son envie. Ainsi piano et cordes synthétiques deviennent acoustiques, avec une clarté fascinante. Hamauzu a tout intérêt à récidiver ce genre de prodige.

La dernière oeuvre vidéo ludique de Hamauzu trouve sa place dans Vielen Dank. Dirge of Cerberus s'offre alors deux des morceaux les plus proches du style du compositeur : "Vergessene Tränen" ("Forgotten Tears"), qui avait déjà l'empreinte SaGa Frontier 2 à l'origine, et "Splitter von Traurigkeit" ("Splinter of Sadness"), une merveille mélancolique qui bénéficiait déjà de l'intervention bénie du violon de Yuichiro Goto. Les deux sont reprises uniquement au piano, offrant à l'une son ticket pour le concours d'entrée dans le Piano Pieces de SaGa Frontier 2, et à l'autre une autre beauté, plus douce, plus simple. Un autre type de tristesse, peut-être plus timide.

Enfin, l'album s'achève sur la première piste dont la présence fut confirmée : "Aufsteigende Flügel", la première chanson de Hamauzu, écrite pour Unlimited SaGa. Pas de chanson cette fois-ci, mais une reprise au piano simple mais pas dénuée de charme. Encore une fois, la mélodie est bien plus claire que dans ses vraies oeuvres solo, mais elle n'en reste pas moins attachante.

Eisblauer Himmel und die Wahrheit

Deux compositions inédites viennent se glisser entre "Jenseits der Finsternis" et "Vergessene Tränen" : "Eisblauer Himmel" et "Die Wahrheit". Contrairement aux pistes de la série Im Abenteurgarten, celles-ci profitent du quatuor à corde et de la flûte en plus du piano, ce qui change bien sûr tout. Comme on est de retour au solo, Hamauzu ne cherche pas à construire une mélodie directe pour séduire le "joueur", mais joue avec les instruments pour offrir plus de fraîcheur, plus d'audace également. Ce qu'on peut ressentir aisément dans "Eisblauer Himmel", d'une douceur chaleureuse, mais surtout dans "Die Wahrheit", avec sa dynamique étonnante qui aurait sans doute mérité plus qu'une minute 20 pour s'échapper encore plus. Et c'est bien là que l'album fait preuve de faiblesse : il est un peu court (48 minutes au total). Hamauzu reconnaît volontiers qu'il n'a pas eu beaucoup de temps pour le préparer.


Schlußfolgerung

Vielen Dank est un joli cadeau de la part de Masashi Hamauzu à ses fans. On peut certes regretter sa durée et le nombre de pistes qui réduit la durée même de chaque piste, mais découvrir littéralement le jardin secret de l'artiste est une opportunité que seul un fou oserait refuser. Tout Hamauzu est bon à prendre : il n'a pas encore montré signe de faiblesse, et si tout se passe bien, ça ne devrait pas arriver tout de suite. En tout cas, pas si le réalisateur de Final Fantasy XIII, Motomu Toriyama, lui demande de faire le fou. De faire ce qu'il veut. De casser la baraque. Mais ça, même un Hamauzu fatigué le ferait. Rendez-vous en 2008...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bien court en effet, mais magnifique. Je ressens comme toi, l'impression d'écouter SF 2 Piano Pieces agrémenté de nouveaux morceaux.
Tout ca laisse organiser du meilleur pour Final Fantasy XIII. N'oublions pas que les meilleurs morceaux du X avaient été composés par Masashi ...